Etsi malgrĂ© tout vous vous endurcissez et divorcez, ne tentez pas Dieu une seconde fois, en La Bible c’est la Parole de Dieu, DeutĂ©ronome 9, 10 ; Exode 31, 8 ; Exode 32, 16 ; EsaĂŻe 34, 16 ; 2TimothĂ©e 3, 16. Elle s’adresse Ă  tous les enfants de Dieu. CONCLUSION. Quand vous lisez ce journal, au lieu de vous rĂ©volter contre le ton utilisĂ©, comme beaucoup le font,
41. Le royaume de Dieu est inscrit dans la GenĂšse Si l’on pouvait supposer que l’histoire de l’humanitĂ© se dĂ©roule selon un scĂ©nario, une idĂ©e, un dessein, une stratĂ©gie, l’avenir serait plus facile Ă  comprendre. Et de fait, nous connaissons le but de l’opĂ©ration rĂ©pandre » le royaume de Dieu sur terre. Dans le Notre PĂšre », nous prions pour que Son rĂšgne arrive. Autrement dit, l’homme, aprĂšs avoir Ă©tĂ© chassĂ© du Paradis, doit tout seul en retrouver le chemin. Dieu met le joyau de Sa crĂ©ation Ă  l’épreuve, non sans lui fournir de prĂ©cieux indices sur la façon dont il convient de s’y prendre. NĂ©anmoins, le Nouveau Testament Ă©tablit de nouvelles rĂšgles la toute-puissance de Dieu fait face au libre-arbitre de l’homme – Ă  qui est ainsi lancĂ© un immense dĂ©fi. Comment ce scĂ©nario de Dieu doit-il ĂȘtre rĂ©alisĂ© ? Quel pacte Dieu conclut-Il avec l’homme ? L’homme peut-il sans l’aide immĂ©diate de Dieu trouver le chemin de la connaissance ? Adam et Ève ont Ă©tĂ© ensemble chassĂ©s du paradis. Doivent-ils chercher ensemble le chemin du retour ou chacun de son cĂŽtĂ© ? Le scĂ©nario » suit des rĂšgles Ă©lĂ©mentaires 1. L’homme et la femme sont chacun dotĂ©s d’un Ă©quipement spĂ©cifique de base 2. Les principes selon lesquels le scĂ©nario doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© sont donnĂ©s 3. L’homme et Dieu sont liĂ©s par un pacte. Dieu dit au serpent Je mettrai une hostilitĂ© entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il JĂ©sus t’écrasera la tĂȘte et tu Marie l’atteindras au talon À la femme Il dit Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi.’ » La mission de la femme, bouclier contre le serpent le mal est claire atteindre le mal au talon, c’est-Ă -dire l’immobiliser, le mettre hors de combat, dire publiquement la vĂ©ritĂ© Ă  son propos. Le rĂŽle essentiel de la femme est de confondre le serpent. Avec ses connaissances innĂ©es, elle est en mesure de dĂ©masquer la stratĂ©gie du mal. Elle peut aussi, avec la mĂȘme puissance de persuasion, Ă©tayer les machinations du serpent. Pour la femme, la punition est double elle enfante dans la douleur, elle est poussĂ©e vers son mari mais lui la dominera. On a peine aujourd’hui Ă  Lecorps humain est une horloge, et une horloge n'a pas de dieu ! En ce XVIII Ăš siĂšcle qui prĂ©tend vaincre l'obscurantisme et la superstition grĂące aux lumiĂšres de la connaissance, Julien

Peut-on encore lire ? LĂ©on Bloy Pour le deuxiĂšme volet de notre sĂ©rie consacrĂ©e Ă  ces figures au ban de la littĂ©rature, Zone Critique s’interroge sur le destin de LĂ©on Bloy, Ă©crivain monarchiste et catholique de la fin du XIXe siĂšcle. Sa verve de prĂ©dicateur a-t-elle vieilli ? Son talent d’orateur est-il surannĂ© ? Bref, peut-on encore lire LĂ©on Bloy ? Notre contributeur, ClĂ©ment Guarneri, propose une lecture assez osĂ©e de Bloy qui incite Ă  voir dans ce personnage hors-norme, un poĂšte pascalien. Ses Ɠuvres seraient donc un viatique indispensable pour traverser notre Ă©poque tourmentĂ©e. Si on me prouvait que la vĂ©ritĂ© est en dehors du Christ, je prĂ©fĂšrerais rester dans l’erreur avec le Christ que dans la vĂ©ritĂ© en dehors de Lui ». FĂ©dor MikhaĂŻlovitch DostoĂŻevski. Je veux aujourd’hui vous entretenir d’un grand Ă©crivain catholique, dont les Ɠuvres sont rĂ©guliĂšrement rééditĂ©es depuis une dizaine d’annĂ©es, j’ai nommĂ© LĂ©on Bloy. Pourtant, je ne doute pas qu’en ces temps de matĂ©rialisme dĂ©vot et d’irrĂ©vĂ©rence pour tout ce qui a trait au christianisme et au catholicisme, la figure du Mendiant Ingrat passe pour inactuelle, voire profondĂ©ment rĂ©trograde, aux vues de l’ardeur de ce fol en christ » pour qui seule la Gloire de Dieu comptait, et dont l’Ɠuvre fut le tĂ©moignage retentissant. Mais il en va Ă  vrai dire pour l’Ɠuvre de LĂ©on Bloy comme il en va pour toute Ɠuvre enracinĂ©e dans l’occident chrĂ©tien, une mĂ©fiance de plus en plus accrue, une lecture de plus en plus partielle, et un regain d’intĂ©rĂȘt tout relatif s’efforçant d’équarrir, de polir, toute aspĂ©ritĂ© de pensĂ©e. On loue ainsi l’imprĂ©cateur de gĂ©nie que fut le Vieux de la Montagne, en s’enthousiasmant de la verve, de la gouaille, de la truculence de son style ornĂ© de latinismes, d’archaĂŻsmes et d’argot, mais l’on Ă©vince le penseur, le tĂ©moin, le prophĂšte, au nom de son intolĂ©rance, de ses excĂšs et de ses violences
 Une telle manie, est le propre d’un siĂšcle piquĂ© d’asepsie qui voudrait expulser, au prĂ©texte d’un idĂ©al hygiĂ©niste, tout ce qui fait le sel de la terre la libertĂ©. Et aussi absurdement que cela puisse paraĂźtre, nous aurions consommĂ©, Ă  rebours de Saint Paul prĂȘchant que la lettre tue, l’esprit vivifie », l’équilibre, renversant l’avertissement du Saint ApĂŽtre en affirmant dĂ©sormais que l’esprit tue, la lettre seule vivifie ». Seulement, ce serait se mĂ©prendre que de lire ainsi LĂ©on Bloy, en sĂ©parant le fond de la forme, quand style et pensĂ©e sont indissociables. L’heure est donc venue de relire ce BlasphĂ©mateur par amour », Ă  l’aune de cette imbrication. LĂ©on Bloy, l’incendiaire LĂ©on, Marie, Joseph Bloy naquit le 11 juillet 1846, deux mois avant l’apparition de la Vierge Ă  la Salette en IsĂšre, Ă  Notre-Dame de Sanilhac en Dordogne, Ă  deux pas de PĂ©rigueux. Il fut le fils de Jean-Baptiste Bloy, fonctionnaire des Ponts et chaussĂ©es, franc-maçon admirateur des LumiĂšres, et de Anne-Marie Carreau, d’origine espagnole, fervente catholique dont Bloy dĂ©clarera plus tard qu’elle fut vĂ©ritablement, avec Jules Barbey d’Aurevilly, l’artisane de son retour au catholicisme en 1868. Durant cette premiĂšre jeunesse en province, Bloy ne fit montre d’aucune prĂ©disposition si ce n’est d’un talent prononcĂ© pour le dessin qui inquiĂ©ta l’idĂ©al bourgeois de son pĂšre. D’un tempĂ©rament taciturne, il fut aux dires de ses maĂźtres un piĂštre Ă©colier, et dut ĂȘtre retirĂ© de la classe de quatriĂšme, suite Ă  une altercation dans la cour de l’établissement, se retrouvant ainsi sous la direction de son pĂšre qui l’orientera aprĂšs une premiĂšre formation dĂ©cousue, vers l’architecture. L’écrivain reviendra d’ailleurs quelques annĂ©es plus tard, sur cette jeunesse, au chapitre X du DĂ©sespĂ©rĂ©, dans lequel il dĂ©crira tous les ressorts de cette enfance mĂ©lancolique. L’heure est donc venue de relire ce BlasphĂ©mateur par amour » Ce ne fut donc qu’à sa montĂ©e sur Paris, aprĂšs avoir rĂ©digĂ© une tragĂ©die de mauvais aloi, LucrĂšce, que LĂ©on Bloy s’arrima Ă  sa vocation d’écrivain, aprĂšs son Ă©chec Ă  l’école des Beaux-Arts et ses diverses incursions dans le salariat. Il frĂ©quenta alors les milieux du socialisme rĂ©volutionnaire, rĂ©digeant des articles dans l’esprit de Jules VallĂšs, se faisant communard d’avant la Commune », avant sa rencontre dĂ©cisive, en dĂ©cembre 1868, avec Jules Barbey d’Aurevilly, rue Rousselet, dont il devint par la suite le secrĂ©taire. Cette rencontre eut alors nombre de rĂ©percussions sur le jeune LĂ©on Bloy et signa le retour du fils prodigue Ă  la foi de sa mĂšre. En moins de deux ans, il fit, par une Ă©tude prodigieuse, ses humanitĂ©s, se nourrissant de la Vulgate de Saint JĂ©rĂŽme, de JuvĂ©nal, de CicĂ©ron, et des grands classiques français, notamment Pascal, tout en accordant une grande attention, sous l’influence de Barbey d’Aurevilly aux penseurs contre-rĂ©volutionnaires, tels que Joseph de Maistre, Louis de Bonald, Antoine Blanc de Saint-Bonnet avec qui il entretint une correspondance. LĂ©on Bloy nouait ainsi avec les milieux traditionnalistes français, quand la guerre franco-prussienne de 1870 vint l’arracher Ă  ses Ă©tudes et le mener sur le front de cette expĂ©rience, il livrera plus tard rĂ©cits et contes au Gil Blas, les faisant publier en un recueil Sueurs de Sang en 1893. Au retour de la guerre, LĂ©on Bloy, poursuivit sa formation intellectuelle auprĂšs de Barbey d’Aurevilly et fit la connaissance du fou », Ernest Hello, grand traducteur des mystiques telle AngĂšle de Foligno ou encore Ruysbroeck l’Admirable, et de l’abbĂ© Tardif de Moidrey, brillant prĂ©dicateur et talentueux exĂ©gĂšte vraisemblablement confesseur de Barbey d’Aurevilly nous lui devons une Introduction au livre de Ruth rééditĂ©e chez DesclĂ©e de Brouwer par Paul Claudel en 1938, par l’entremise duquel il dĂ©couvrira le pĂšlerinage de la Salette, dont il tirera deux ouvrages Celle qui pleure, Notre-Dame de la Salette publiĂ© en 1908 et Le Symbolisme de l’Apparition publiĂ© Ă  titre posthume en 1925, et une nouvelle mĂ©thode de lecture biblique qu’il nommera le symbolisme universel ». Ce fut aussi durant cette pĂ©riode de 1879 Ă  1882 qu’il Ă©prouva une ardente passion pour Anne-Marie RoulĂ©, auprĂšs de laquelle il vĂ©cut un amour mystique, extatique, durant lequel lui fut livrĂ© son cĂ©lĂšbre Secret ». Tous deux guettant, attendant, l’évĂ©nement terrible, apocalyptique annoncĂ© par Saint Joseph, auquel ils n’assisteront pourtant pas. Cela vaudra en 1882 l’internement d’Anne-Marie RoulĂ© Ă  l’hĂŽpital Saint-Anne Ă  Paris et Ă  LĂ©on Bloy le dĂ©sespoir d’un idĂ©al saccagĂ©. Commençait alors aprĂšs des annĂ©es de pauvretĂ©, une vie d’errance, de bohĂšme, faite de deuils et d’unions passagĂšres perte de sa maĂźtresse Berthe Dumont, naissance de son fils Maurice qu’il eĂ»t d’EugĂ©nie Pasdeloup, durant laquelle Bloy collaborera au Chat Noir, journal satirique de Rodolphe Salis, publiant des articles assassins sur les Ă©crivains de son temps rassemblĂ© dans un recueil de critiques les Propos d’un entrepreneur de dĂ©molitions en 1884 et Ă©laborant une Ă©tude historique providentialiste sur Christophe Colomb en qui il voit le Messager du Christ Le RĂ©vĂ©lateur du Globe, Christophe Colomb et sa bĂ©atification future, 1884. Proche de la bohĂšme parisienne, il rencontrera en 1884, l’écrivain Joris-Karl Huysmans qui venait de publier À Rebours et Auguste Villiers de l’Isle-Adam, cĂ©lĂšbre auteur de L’Ève future et des Contes cruels. Mais ce ne fut qu’en 1887, aprĂšs l’échec de son pamphlet hebdomadaire Le Pal, que Bloy accĂšdera, avec son premier roman autobiographique, Le DĂ©sespĂ©rĂ©, Ă  la reconnaissance d’un petit cercle, en dĂ©pit de l’insuccĂšs, signant par lĂ -mĂȘme une dĂ©claration de guerre au naturalisme en assurant le renouveau de la littĂ©rature catholique. NĂ©anmoins, sans le sou, LĂ©on Bloy poursuivait une vie de dĂ©brouille, d’écrivain prolĂ©taire, fidĂšle au Christ, vivant d’expĂ©dients et de mendicitĂ©. Il fallut attendre la rencontre de Johanne Molbech fille du poĂšte Christian Molbech, en 1889, dans le salon des CoppĂ©, qu’il Ă©pousera l’annĂ©e suivante Ă©poque de sa brouille avec Huysmans, pour que l’écrivain dispose enfin, Ă  dĂ©faut du confort, de la stabilitĂ© de la vie familiale malgrĂ© les dĂ©mĂ©nagements de taudis en taudis, de masure en masure. De cette union naquirent VĂ©ronique en avril 1891, AndrĂ© en 1894 qui dĂ©cĂšdera soudainement en 1895, Pierre en 1895 qui dĂ©cĂšdera l’annĂ©e mĂȘme de sa naissance, et enfin Madeleine en 1897. Cette union marquera le dĂ©but de l’Ɠuvre de la maturitĂ©, la pĂ©riode des grandes amitiĂ©s, et celle d’une crĂ©ation rĂ©guliĂšre dont son journal littĂ©raire et inĂ©dit nous retrace la genĂšse. Il publiera ainsi en 1892 Le Salut par les Juifs, essai poĂ©tique d’inspiration paulinienne retraçant le rĂŽle d’IsraĂ«l dans l’eschatologie1 chrĂ©tienne, en 1894 les Histoires dĂ©sobligeantes, contes cruels d’une ironie fĂ©roce avant l’annĂ©e 1895 surnommĂ©e par Bloy L’annĂ©e terrible », en raison de la perte de ses deux fils et de la maladie de sa femme ; ce sera d’ailleurs dans ce douloureux contexte qu’il terminera La Femme Pauvre, entreprise dĂšs 1887, et parue en 1897. Viendront ensuite le journal littĂ©raire dont le fameux volume Le Mendiant Ingrat, Ă©ditĂ© en 1898, vĂ©ritable reliquat de la vie de l’auteur et mythe littĂ©raire, avant la rencontre de son Ă©diteur Alfred Valette qui l’associera Ă  l’aventure du Mercure de France, assurant ainsi des revenus stables au PĂšlerin de l’Absolu, lui permettant alors de publier Le Fils de Louis XVI en 1900, L’exĂ©gĂšse des lieux communs 1903, 1908, les autres volumes du journal littĂ©raire, et enfin Le Sang du Pauvre en 1909 ouvrage toutefois publiĂ© chez l’éditeur Juven, L’Âme de NapolĂ©on en 1912 ou encore les MĂ©ditations d’un solitaire en 1916 publiĂ©es en 1917, annĂ©e de la mort de LĂ©on Bloy, Ă  Bourg-La-Reine oĂč il fut enterrĂ©. La recherche de l’absolu Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le Diable » Ă©crivit LĂ©on Bloy. Cette citation, fraĂźchement remise au goĂ»t du jour par le Pape François, le jour de son accession au trĂŽne de Pierre, est Ă©minemment rĂ©vĂ©latrice de la pensĂ©e du poĂšte et constitue l’épine dorsale de son itinĂ©raire spirituel. Il fut, Ă  la suite de Baudelaire, et avant des Ă©crivains comme Georges Bernanos, Louis-Ferdinand CĂ©line, ou encore Jean-Pierre Martinet, l’un de nos auteurs qui interrogea le scandale du Mal avec le plus d’à-propos, d’acuitĂ© et de justesse, ne cessant d’intimer que le dĂ©sespoir, le fatalisme, la haine du beau, le matĂ©rialisme, sont devenus les ressorts de la machinerie diabolique et les expĂ©dients par lesquels Satan agit sur nos vies en annihilant notre enthousiasme. Ce mot de Satan, de malin, que les prĂȘtres mĂȘme craignent parfois d’évoquer, de peur du ridicule, est bien loin de ce diablotin affublĂ© d’une queue et d’un trident, il est au contraire ce dĂ©sespoir », cet IrrĂ©vocable dont parlait justement Baudelaire, celui qui divise et corrompt l’ñme pour l’éloigner de Dieu, par le simulacre, l’idolĂątrie, le pĂ©chĂ©, l’orgueil, la haine et l’envie ; cet instrument de discorde flattant notre vanitĂ©. Ainsi, non loin d’interroger une notion creuse, Bloy nous invite-t-il Ă  scruter nos Ăąmes pour en extraire sa noblesse et sa munificence, dans la voie du dĂ©pouillement et de la mĂ©ditation, par une ascension sans cesse accrue dans l’Amour de Dieu, fondĂ©e sur l’imitation du Christ. Mais cette recherche de l’Absolu dont tĂ©moigne l’Ɠuvre de LĂ©on Bloy, trouve tout particuliĂšrement Ă©cho dans son Ɠuvre romanesque et dans ces deux romans que sont Le DĂ©sespĂ©rĂ© et La Femme Pauvre, vĂ©ritables chefs-d’Ɠuvre de mystique, narrant la lutte de CaĂŻn Marchenoir, Ă©crivain-journaliste vomi par le tout Paris littĂ©raire, puis celle de Clotilde MarĂ©chal, une pauvresse aux traits de sainte, contre la mĂ©diocritĂ© du temps prĂ©sent, la bassesse et les mesquineries de l’ñme humaine, dĂ©busquant ici ou lĂ , les mensonges et les Ă©cueils d’une sociĂ©tĂ© pour qui l’esprit de lucre seul fait loi et dans laquelle l’hĂ©roĂŻsme chrĂ©tien n’est plus qu’un martyr tout anachronique faisant la joie des profanateurs et des hypocrites. LĂ©on Bloy ne manquant pas de conspuer, dans la lignĂ©e des prophĂštes par le ton, et d’un Balzac par l’analyse des milieux, la bigoterie des catholiques, l’ignominie du journalisme, l’égoĂŻsme bourgeois, la vilĂ©nie des mauvais pauvres », au point de porter sa prose jusqu’au blasphĂšme envers ce Dieu qui a promis et qui ne vient pas, comme pour le forcer Ă  sortir du silence. Livres de la rĂ©volte, manifestes contre l’esprit retors des sociĂ©tĂ©s modernes, odes Ă  la pauvretĂ© chrĂ©tienne, Le DĂ©sespĂ©rĂ© et La Femme Pauvre forment donc, Ă  dĂ©faut de vies de saints, deux rĂ©cits de vies exemplaires, contant l’ascension de deux Ăąmes Ă©perdument amoureuses, vers l’unitĂ© et la plĂ©nitude de Dieu. Enfin, si Le DĂ©sespĂ©rĂ© se clĂŽt certes sur l’échec de Marchenoir et l’apparente absence de Dieu, La Femme Pauvre se clĂŽture quant Ă  elle sur l’image d’une bĂ©atitude que l’humilitĂ© voudrait prĂ©senter comme inachevĂ©e, voire inaccessible, et dont Clotilde MarĂ©chal nous prĂ©sente la Joie en s’adressant Ă  un prĂȘtre qui la plaint de sa misĂšre On n’entre pas au Paradis demain, ni aprĂšs-demain, ni dans dix ans, on y entre aujourd’hui, quand on est pauvre et crucifiĂ© ». Car au-delĂ  des heurts et des tragĂ©dies, LĂ©on Bloy parvient Ă  nous communiquer, dans des pages sublimes, la quintessence d’une vie spirituelle, en nous ramenant dans le temps de l’ñme, loin, trĂšs loin du temps matĂ©riel, par de multiples Ă©piphanies2, dans lesquels son talent d’enlumineur rappelle les plus belles visions des mystiques. Et Ă  Bloy d’ériger, dans un style inimitable, deux fresques littĂ©raires, deux paraboles bibliques », deux rĂ©cits allĂ©goriques, rejouant, réécrivant, au sein de la modernitĂ©, le drame thĂ©ologique de la Sainte TrinitĂ©, l’histoire du Salut. Le DĂ©sespĂ©rĂ© devient alors le rĂ©cit figurĂ© de la passion du Christ, contant le sacrifice de CaĂŻn Marchenoir sur l’autel du journalisme, aprĂšs l’échec d’un amour mystique avec VĂ©ronique Cheminot, figure de l’Amour et de l’Esprit-Saint, faute de sa folie ; autrement dit, Le DĂ©sespĂ©rĂ©, prenant acte de la modernitĂ© et de l’apparente faillite de la RĂ©demption », nous Ă©voque la scandaleuse impossibilitĂ© des noces du Christ et de son Église annoncĂ©es dans l’Apocalypse de Jean. Tandis que La Femme Pauvre, s’efforcera d’outrepasser cette aporie, en rejouant le drame des Écritures, Ă  travers le destin de LĂ©opold et de Clotilde MarĂ©chal, afin d’annoncer, la venue du Paraclet ; la Vierge de l’Apocalypse terrassant l’étoile du soir, le Christ en Gloire Ă©pousant enfin, Ă  l’heure du Jugement Dernier, son Église. Bloy possĂšde une langue inimitable, en clair-obscur, qui oscille entre tĂ©nĂšbres et lumiĂšre Ces paraboles, LĂ©on Bloy nous les Ă©voque dans une langue inimitable, en clair-obscur, par une oscillation constante des tĂ©nĂšbres Ă  la lumiĂšre, Ă  la maniĂšre des peintres mĂ©diĂ©vaux, rameutant la lumiĂšre au centre mĂȘme de l’enfer parisien, par l’irradiation exalumineuse3 de ses personnages et de ses mots. Le poĂšte cherchant, dans l’enflure du langage, des mĂ©taphores et des sons, par association d’idĂ©es et correspondances, ce qui le mĂšnera toujours un peu plus au seuil du MystĂšre, aux portes de la contemplation bĂ©atifique, Ă  la connaissance de Dieu. LĂ©on Bloy, prophĂšte de l’Esprit-Saint ParallĂšlement Ă  son Ɠuvre de conteur et de romancier, LĂ©on Bloy Ă©crivit d’importantes Ă©tudes historiques, ainsi que des essais poĂ©tiques, qui retracent son attente de la Parousie4 du Christ et ses spĂ©culations sur le rĂŽle de la troisiĂšme Personne Divine l’Esprit Saint. L’écrivain Ă©laborant une relecture biblique symbolique et allĂ©gorique, tentant d’isoler les desseins de Dieu et le rĂŽle de chaque homme dans le plan divin, en le rattachant Ă  l’histoire universelle du salut, selon le dogme de la Communion des Saints5 et la doctrine du corps mystique. Ainsi, tout homme serait surnaturellement un membre de JĂ©sus-Christ et rejouerait, par sa douleur, la Passion du Seigneur, jusqu’au consummatum est, Ɠuvrant par lĂ -mĂȘme, au salut de l’HumanitĂ©. Le fond de ma pensĂ©e est que dans ce monde en chute, toute joie Ă©clate dans l’ordre naturel et toute douleur dans l’ordre divin. En attendant les assises de Josaphat, en attendant que tout se consomme, l’exilĂ© du Paradis ne peut prĂ©tendre qu’au seul bonheur de souffrir pour Dieu. On retrouve lĂ , le sublime souffrir ou mourir » de Sainte ThĂ©rĂšse d’Avila, et l’insĂ©parable articulation de l’Histoire et du MystĂšre, qui nous invite Ă  aller au-delĂ  du visible, Ă  interroger les apparences, en vertu de la formule de Saint Paul, nous voyons comme dans un miroir aux Ă©nigmes ». Le poĂšte, dans une vision prophĂ©tique, dĂ©peignant avec pittoresque, un avenir apocalyptique confinant Ă  l’indicible et Ă  l’ineffable, en rattachant les faits et les hommes aux vues de la Providence. Ainsi, LĂ©on Bloy vit dans le destin de Christophe Colomb, de Marie-Antoinette, de NapolĂ©on, du fils de Louis XVI, des empereurs de Byzance et de Jeanne d’Arc, les instruments de Dieu, les figures annonciatrices de cet Autre » qui doit venir, la face de Dieu dans les TĂ©nĂšbres » de ce paraclet-Esprit Saint qui couronnera l’histoire de l’humanitĂ© Ă  l’heure du Jugement Dernier. La pitance de l’ñme Nous sommes tous des misĂ©rables et des dĂ©vastĂ©s, mais peu d’hommes sont capables de regarder leur abĂźme » s’écrie Marchenoir dans La Femme Pauvre, sur un ton tout pascalien. Aussi, le temps est-il peut-ĂȘtre venu de s’abreuver de nouveau aux mamelles de l’Art, de la pensĂ©e, de l’ñme, par la lecture de cette Ɠuvre qui mieux qu’aucune autre, Ă  la fin du dix-neuviĂšme siĂšcle, avait perçu l’impasse de la modernitĂ©. Cette impasse, nous la connaissons, nous la frĂ©quentons, elle rĂ©side tout entiĂšre dans la haine du Pauvre, dans le primat de la technique, dans l’aliĂ©nation Ă  la matiĂšre. Ainsi, lire, relire LĂ©on Bloy, n’est peut-ĂȘtre qu’une autre façon de s’extraire de ces temps sans grandeur qui font peu avec beaucoup, quand on faisait autrefois beaucoup avec peu
 Le Mendiant Ingrat nous invitant par son ardeur, sa naĂŻvetĂ©, ses coups de gueule, sa rĂ©volte, son Amour, Ă  outrepasser le fatalisme d’une Ăšre qui voudrait nous arracher notre pitance. Ainsi, revenir Ă  cette Ɠuvre qui a tout, aujourd’hui, d’un exorcisme spirituel, c’est affronter le mal du temps ; LĂ©on Bloy, substituant Ă  l’amertume des viatiques sans consistance, le froment de l’ñme l’ENTHOUSIASME, ce Dieu qui est nous. 1 Le terme d’ eschatologie » vient du vocabulaire thĂ©ologique, il dĂ©signe la doctrine des choses qui doivent advenir Ă  la fin du monde, c’est autrement dit le discours sur la consommation des siĂšcles. 2 Chez les chrĂ©tiens, le terme Ă©piphanie » dĂ©signe la fĂȘte de la manifestation de JĂ©sus aux Gentils. Par extension, il peut dĂ©signer un moment de contemplation en rĂ©fĂ©rence Ă  la RĂ©vĂ©lation. 3 Exalumineux, euse », est un nĂ©ologisme dĂ©rivĂ© du mot lumineux, euse » auquel a Ă©tĂ© ajoutĂ© le prĂ©fixe latin ex », signifiant hors de, en dehors de. Autrement dit la lumiĂšre que dĂ©gage un ĂȘtre, une chose, par exemple un corps exalumineux », un corps qui transsude la lumiĂšre. 4 Le mot de Parousie » est un terme biblique issu du Nouveau Testament signifiant la seconde venue du Christ, Ă  l’heure du Jugement Dernier. Il est souvent reprĂ©sentĂ© en gloire, drapĂ© d’une tunique blanche, aurĂ©olĂ© de lumiĂšre dans les reprĂ©sentations populaires. 5 Dans la thĂ©ologie chrĂ©tienne, le dogme de la Communion des Saints veut que tous les membres de l’Église visible et invisible soient en union profonde. ClĂ©ment Guarneri Imprimer cet article Commentaires

Cettenotion n'est pas prise compte en ce qui concerne la femme : celle-ci peut ĂȘtre d'un niveau en-deçà de celui avec qui elle dĂ©sire se marier. C'est l'homme, lui, qui doit ĂȘtre au moins d'un niveau comparable Ă  celui de la femme avec qui il projette de se marier. On dit alors qu "'il est kufu' pour elle". C'est lĂ  une mesure destinĂ©e
Nicolas-SĂ©bastien Adam - 1762 , Paris, musĂ©e du Louvre John William Waterhouse, Psyche opening the golden box », 1903 Le Mythe de PromĂ©thĂ©e IntroductionLe mythe de PromĂ©thĂ©e a traversĂ© les Ă©poques et de nombreuses interprĂ©tations et versions se sont constituĂ©es. En effet, ce mythe est liĂ© Ă  de nombreuses traditions qui proviennent de diverses Ă©poques et de nombreux auteurs, ce qui peut rendre le mythe assez confus et parfois mĂȘme rĂ©cit n’est pas mentionnĂ© chez HomĂšre, mais est clairement expliquĂ© dans la ThĂ©ogonie d’HĂ©siode, qui sera le premier des poĂštes grecs Ă  raconter le mythe de PromĂ©thĂ©e. Nous mentionnerons nĂ©anmoins d’autres versions de ce mythe au cours de notre mythe de PromĂ©thĂ©e est associĂ© Ă  celui de la crĂ©ation de l’homme, de sa condition, ainsi qu’à l’apparition de la culture. Ainsi, il est souvent considĂ©rĂ© comme l’ami de l’homme. Son nom, Prometheus » en grec, signifie celui qui pense avant ». Ce don de prĂ©diction lui a permis d’esquiver bien des problĂšmes, notamment lors de la Titanomachie oĂč il se rangera aux cĂŽtĂ©s de Zeus. Il est aussi intĂ©ressant de voir que ce mythe Ă  beaucoup de points communs avec la mythe de PromĂ©thĂ©e et la condition humaineSelon HĂ©siode, PromĂ©thĂ©e est le fils du Titan Japet et de la Nymphe ClymĂ©nĂ©. Eschyle, auteur grec nĂ© aux environs de 526 av. associe une diffĂ©rente parentĂ© Ă  PromĂ©thĂ©e et Ă©crit que sa mĂšre serait la titanide ThĂ©mis. Il serait le cousin de Zeus et ferait donc partie de la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration des Diel, dans son livre, Le symbolisme dans la mythologie grecque, annonce Le crĂ©ateur PromĂ©thĂ©e n’est pas une divinitĂ©, il est un Titan. Comme tel, il symbolise la rĂ©volte contre l’esprit Zeus »[1]. PromĂ©thĂ©e serait donc destinĂ© » Ă  s’opposer Ă  Zeus, le dieu ultime de la crĂ©ation, comme nous le verrons dans la suite du rĂ©cit et de l’ a trois frĂšres. Le premier, Atlas, est condamnĂ© Ă  porter le monde sur ses Ă©paules comme nous le dĂ©crit HĂ©rodote. MĂ©noetios, surnommĂ© l’insolent » est foudroyĂ© par Zeus et envoyĂ© dans le Tartare et EpimĂ©thĂ©e, en grec Epimetheus », qui signifie celui qui rĂ©flĂ©chit aprĂšs ». Il est Ă©galement surnommĂ© le maladroit », car il sera Ă  l’origine du malheur des hommes. EpimĂ©thĂ©e est considĂ©rĂ© comme l’opposĂ© de attribue aussi Ă  PromĂ©thĂ©e un fils, nommĂ© Deucalion, comparable Ă  MoĂŻse dans la Bible, car il sauve l’espĂšce humaine du dĂ©luge provoquĂ© par Zeus qui aurait voulu faire disparaĂźtre la race de bronze »[2].[1] Page 287[2] Ibid. 7,2. a La premiĂšre fauteSelon HĂ©siode, le mythe de PromĂ©thĂ©e commence lorsqu’il est appelĂ© pour ĂȘtre l’arbitre d’un conflit, entre les hommes et les dieux, qui se dĂ©roule Ă  MĂ©cĂŽnĂ© MĂ©cĂŽnĂ© serait l’ancien nom de la ville de Sycione Ă  propos du sacrifice d’un taureau, car personne n’arrive Ă  se mettre d’accord sur la part consacrĂ©e aux dieux et celle qui revient aux hommes. Il est Ă  noter que selon d’autres versions, PromĂ©thĂ©e est conviĂ© Ă  un repas entre les hommes et les dieux et c’est au court de ce repas, que PromĂ©thĂ©e dĂ©coupe en deux parties, un bƓuf. PromĂ©thĂ©e commet alors sa premiĂšre faute. Voulant tromper Zeus, il dĂ©coupe un bƓuf en deux parties. Dans la premiĂšre partie, il cache sous la graisse blanche, c’est-Ă -dire la partie la plus allĂ©chante, des os, qui sont la moins bonne part de l’animal. Dans la seconde part, il cache la bonne viande, sous une couche d’entrailles et de chair non comestible En ce jour-lĂ  PromĂ©thĂ©e avait, d’un cƓur empressĂ©, partagĂ© un bƓuf Ă©norme, qu’il avait placĂ© devant tous. Il cherchait Ă  tromper la pensĂ©e de Zeus pour l’une des deux parties, il avait mis sous la peau chair et entrailles lourdes de graisse, puis recouvert le tout du ventre du bƓuf ; pour l’autre, il avait, par une ruse perfide, disposĂ© en un tas les os nus de la bĂȘte, puis recouvert le tout de graisse blanche. »[1].Selon HĂ©siode, Zeus comprend le subterfuge, mais pour pouvoir mieux punir PromĂ©thĂ©e de son audace, il dĂ©cide de choisir la mauvaise part, c’est-Ă -dire la part cachant les os 
et Zeus comprit la ruse et sut la reconnaĂźtre. Mais dĂ©jĂ , dans son cƓur, il mĂ©ditait la ruine des mortels, tout comme en fait il devait l’achever. De ses deux mains il souleva la graisse blanche, et la colĂšre emplit son Ăąme, tandis que la bile montait Ă  son cƓur, Ă  la vue des os nus de la bĂȘte, trahissant la ruse perfide. »[2].AprĂšs avoir enlevĂ© la graisse blanche et dĂ©couvert les os, Zeus entre dans une colĂšre noire et retire le feu aux hommes. Ici, le sacrifice symbolise la sĂ©paration entre les hommes et les dieux, car ils mangent des choses diffĂ©rentes. À la base, PromĂ©thĂ©e veut tromper les dieux, mais c’est finalement lui qu’il condamne et particuliĂšrement les hommes. En choisissant les os et en donnant la viande aux hommes, Zeus positionne les ĂȘtres humains de maniĂšre infĂ©rieure. En effet, la chair du bƓuf reprĂ©sente la partie Ă©phĂ©mĂšre de l’animal, soit la mortalitĂ© tandis que les os reprĂ©sentent, par leur duretĂ©, l’immortalitĂ©. Face aux dieux immortels, les hommes donc sont eux, passage explique clairement pourquoi les os et la graisse de l’animal sont donnĂ©s aux dieux, tandis que les ĂȘtres humains mangent la viande Et aussi est-ce bien sic pourquoi, sur la terre, les fils des hommes brĂ»lent aux Immortels les os nus des victimes sur les autels odorants. »[3]. Ce mythe explique aussi le but des sacrifices. Il s’agit d’un moyen de communication entre les hommes et les dieux, mĂȘme si au dĂ©part, ils n’étaient pas sĂ©parĂ©s. Le mythe de PromĂ©thĂ©e explique comment s’est produite cette sĂ©paration et pourquoi les hommes ne peuvent communiquer avec les dieux qu’à travers le sacrifice, en faisant passer un ĂȘtre du monde profane, au monde la version d’Apollodore, PromĂ©thĂ©e s’ennuie et dĂ©cide avec AthĂ©na de crĂ©er l’homme avec de l’argile et de l’eau et d’en rĂ©alisĂ© un ĂȘtre comparable aux dieux. AthĂ©na lui insuffle la vie et PromĂ©thĂ©e grĂące au feu, dĂ©robĂ© aux dieux, lui enseigne toutes les connaissances qui permettront un pas vers la civilisation. La culture commence Ă  prendre naissance, ainsi que l’apparition d’habitation, le travail de certains matĂ©riaux comme le mĂ©tal ou plus tard encore l’écriture. Pausanias, dans le livre X de sa Description de la GrĂšce, affirme que l'on pouvait encore voir, Ă  son Ă©poque, devant une chapelle de PanopĂ©e dĂ©diĂ©e Ă  PromĂ©thĂ©e, un peu de l'argile qui servit Ă  façonner le premier humain. »[4]. C’est donc grĂące Ă  ce feu que PromĂ©thĂ©e est considĂ©rĂ© comme le crĂ©ateur de l’homme Et PromĂ©thĂ©e, ayant façonnĂ© les hommes Ă  partir d'eau et de terre, leur donna aussi le feu, aprĂšs l'avoir cachĂ© Ă  l'insu de Zeus dans une fĂ©rule ».[5]Le feu est un Ă©lĂ©ment trĂšs important dans ce mythe. L’homme peut dĂ©sormais cuire la viande, qu’il ne peut pas consommer crue. A partir de ce moment, il se sĂ©pare des animaux et se civilise. Le feu symbolise, tout comme PromĂ©thĂ©e, l’intelligence. C'est aussi un Ă©lĂ©ment essentiel dans le cadre des sacrifices que l’on appelle communĂ©ment la cuisine sacrificielle », pour entrer en relation avec les dieux, car les aliments, plus particuliĂšrement la graisse et les os, sont cuits sur un autel, lors de la pratique rituelle.[1] HĂ©siode, La ThĂ©ogonie, l. 534-542[2] HĂ©siode, La ThĂ©ogonie, l. 550 – 556[3]HĂ©siode, La ThĂ©ogonie, l. 556 – 558[4] Apollodore, BibliothĂšque, I, 7, 1-2 a La seconde fautePromĂ©thĂ©e accomplit alors sa seconde faute il se rend secrĂštement, selon certains avec l’aide d’AthĂ©na, selon HĂ©siode seul, sur l’Olympe et dĂ©robe le feu aux dieux en le capturant au creux d’un roseau ou d’une tige de fenouil, pour le rendre aux hommes Mais le brave fils de Japet sut le tromper et dĂ©roba, au creux d’une fĂ©rule, l’éclatante lueur du feu infatigable ; et Zeus, qui gronde dans les nues, fut mordu profondĂ©ment au cƓur et s’irrita en son Ăąme, quand il vit briller au milieu des hommes l’éclatante lueur du feu. »[1].Dans son ouvrage La psychanalyse du feu, Gaston Bachelard explique que le feu est un Ă©lĂ©ment Ă  double tranchant, que l’on peut retrouver dans le mythe de PromĂ©thĂ©e. Le feu est un Ă©lĂ©ment positif quand il intervient dans le dĂ©but de la civilisation. Cependant, le feu est aussi un Ă©lĂ©ment destructeur. Ici, le feu est plutĂŽt reprĂ©sentĂ© sous sa forme nĂ©gative, car le feu volĂ© n’est plus un don de retrouvons un lien avec la Bible, car le feu est non seulement l’emblĂšme du diable les flammes de l’enfer », mais possĂšde aussi un attribut purificateur. Il lave, car il supprime.[1] HĂ©siode, La ThĂ©ogonie, l. 564 – 569 La crĂ©ation de Pandore et le rĂŽle de la premiĂšre femme Nous allons poursuivre l’histoire du mythe de PromĂ©thĂ©e en racontant la crĂ©ation de la figure de Pandore, la premiĂšre femme. AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© et commentĂ© le mythe, nous enchaĂźnerons avec une Ă©tude de diffĂ©rents auteurs sur ce personnage. De nombreuses interprĂ©tations se sont constituĂ©es Ă  travers les Ă©poques et nous en illustrerons quelques unes dans notre figure de Pandore est créée sur l’ordre de Zeus, comme un objet de vengeance contre les ĂȘtres humains. Mais en tant que femme, elle vient Ă©galement avec la mission essentielle de perpĂ©tuer le genre humain. 
il commande Ă  l’illustre HĂ©phaistos de tremper d’eau un peu de terre sans tarder, d’y mettre la voix et les forces d’un ĂȘtre humain et d’en former, Ă  l’image des dĂ©esses immortelles, un beau corps aimable de vierge 
 Aphrodite, d’or sur son front rĂ©pandra la grĂące, le douloureux dĂ©sir, les soucis qui brisent les membres, tandis qu’un esprit impudent, un cƓur artificieux seront, sur l’ordre de Zeus, mis en elle par HermĂšs. »[1]. Pandore est créée dans le but d’une vengeance. Sa crĂ©ation est un paradoxe, car d’une part, elle existe dans le but d’apporter les malheurs et la souffrance, mais elle est en mĂȘme temps la seule capable de perpĂ©tuer l’humanitĂ© de part son rĂŽle de femme et de mĂšre. Elle est créée avec tous les attributs de la beautĂ© et de la sĂ©duction, mais en mĂȘme temps avec le visage de l’innocence qui lui donne le pouvoir d’aveugler l’homme sans qu’il n’ait aucune mĂ©fiance. Tous les mots pour la dĂ©crire insistent sur son apparence. Les termes tels que beau corps », colliers d’or » et beaux cheveux
en guirlande de fleurs printaniĂšres » contrastent avec les notions d’ impudent », de cƓur artificieux », de mensonges », et de trompeurs » qui caractĂ©rise un fond nĂ©faste. Pandore est vĂ©ritablement dĂ©crite comme un piĂšge. Sa beautĂ© attire et masque ses vices. Il y a donc un fort contraste entre la description intĂ©rieure et extĂ©rieure. Puis, hĂ©raut des dieux, il met en elle la parole et Ă  cette femme il donne le nom de Pandore, parce que ce sont tous les habitants de l’Olympe qui, avec ce prĂ©sent, font prĂ©sent du malheur aux hommes qui mangent le pain. »[2]. La figure de Pandore est donc soumise Ă  une destinĂ©e du mal puisque c’est inscrit dans sa nature, par la volontĂ© de Zeus. EpimĂ©thĂ©e ne songe point Ă  ce que lui a dit PromĂ©thĂ©e que jamais il n’accepte un prĂ©sent de Zeus Olympien »[3]. Il est intĂ©ressant de relever que EpimĂ©thĂ©e » signifie pense aprĂšs », que PromĂ©thĂ©e » signifie pense avant » et de rappeler que Pandore » signifie don de tout », ce qui englobe Ă  la fois le bien et le mal. Nous constatons que l’étymologie des noms donne des indications sur le dĂ©roulement du mythe. La race humaine vivait auparavant sur la terre Ă  l’écart et Ă  l’abri des peines, de la dure fatigue, des maladies douloureuses, qui apportent le trĂ©pas aux hommes. Mais la femme, enlevant de ses mains le large couvercle de la jarre, les dispersa par le monde et prĂ©para aux hommes de tristes soucis. »[4]. Nous observons que Pandore est comme soumise Ă  des forces qu’elle ne peut maĂźtriser et elle doit ouvrir cette boĂźte. Elle est dĂ©crite comme une femme Ă  la fois d’instinct qui ne peut maĂźtriser ses pulsions, mais en mĂȘme temps, c’est comme si elle Ă©tait soumise Ă  une force beaucoup plus puissante qui est le poids de sa destinĂ©e. Elle est donc soumise Ă  une double contrainte, l’une interne et l’autre externe. On retrouvera le mythe de Pandore dans le rĂ©cit d’Adam et Eve sur lequel nous reviendrons dans la suite de notre notion de destinĂ©e joue un rĂŽle majeur dans ce rĂ©cit Seul, l’Espoir restait lĂ , Ă  l’intĂ©rieur de son infrangible prison, sans passer les lĂšvres de la jarre
 »[5]. En refermant le couvercle trop vite, elle laisse l’espoir emprisonnĂ© dans la jarre. Au premier abord, il semble ĂȘtre un remĂšde pour apaiser tous les maux dispersĂ©s dans la vie des hommes, car il symboliserait une chance de s’en sortir. Mais finalement, nous pouvons considĂ©rer cet espoir plutĂŽt comme quelque chose de nĂ©faste car il ne serait qu’un leurre supplĂ©mentaire. Il donnerait aux hommes l’illusion d’une Ă©chappatoire possible, alors que leur destin est irrĂ©vocable. D’ailleurs, cela est soulignĂ© par la volontĂ© de Zeus et la citation Son piĂšge ainsi creusĂ©, aux bords abrupts et sans issue. »[6]. En agissant ainsi, le geste de Pandore semble la rendre responsable d’une nouvelle souffrance, mais finalement il s’agit d’un geste crĂ©ateur, car il va obliger l’homme Ă  faire face Ă  son destin implacable en toute luciditĂ© et en toute conscience, sans la facilitĂ© d’une Ă©chappatoire possible qui serait l’espĂ©rance. La grandeur humaine serait sa capacitĂ© Ă  affronter cette destinĂ©e. Par son geste, Pandore nous a Ă©vitĂ© une vie univoque sinon sans efforts, tu travaillerais un jour, pour rĂ©colter de quoi vivre toute une annĂ©e sans rien faire »[7]. Il s’agirait d’un monde de facilitĂ© oĂč la notion de progrĂšs n’interviendrait pas puisque tout ne serait que bonheur, beautĂ© et harmonie. En amenant le mal, elle donne au monde sa consistance, sa dualitĂ©, car de mĂȘme que la lumiĂšre ne peut exister sans l’ombre, le bien ne peut exister sans le mal. L’homme a dĂ©sormais le choix et Ă  travers cela, il pourra faire la conquĂȘte de sa rĂ©cit biblique d’Adam et Eve reprend des Ă©lĂ©ments du mythe de Pandore. En effet, rappelons que selon ce rĂ©cit, Eve aurait mis fin Ă  la vie paradisiaque de par sa curiositĂ© qui l’entraĂźne Ă  cueillir et Ă  manger la pomme dĂ©fendue du Jardin d’Eden. Nous voyons ici que la curiositĂ© est prĂ©sentĂ©e sous un angle nĂ©gatif, puisqu’elle est assimilĂ©e Ă  une impulsion plus forte que la raison et sans soucis des consĂ©quences, alors que nous pouvons aussi voir la curiositĂ© sous un jour positif, si on la considĂšre comme une soif de connaissance. Nous voyons notamment que dans le domaine de la science, la curiositĂ© est prĂ©sentĂ©e sous un jour favorable et qu’elle devient un moteur de progrĂšs. Mais ici, la connaissance est liĂ©e au mal. En effet, en dĂ©sobĂ©issant Ă  la loi divine, par curiositĂ© et par orgueil, la race humaine s’éloigne des dieux et met fin Ă  sa vie paradisiaque. Avec l’irruption du mal, apparaĂźt la dualitĂ© sur Terre. DĂ©sormais, il n’existe plus seulement le Bien, le bonheur et l’harmonie, mais il y a l’apparition du Mal et de la souffrance. Ce mythe pose le problĂšme crucial pourquoi les dieux ont-ils permis l’existence du Mal sur Terre ? Cette souffrance et ce destin provoque la rĂ©volte de l’homme.[1] HESIODE, Les travaux et les jours, 42-106 trad. Mazon CUF, les Belles Lettres, Paris, 1996[2] La figure de Pandore sera reprise par plusieurs auteurs Ă  travers les Ă©poques et chaque fois avec un Ă©clairage Goethe, qui se situe Ă  la fin du 18e et au dĂ©but du 19e siĂšcle. Il propose une vision trĂšs diffĂ©rente de celle du mythe d’HĂ©siode. Selon lui, Pandore ne reprĂ©sente pas la source de tous les maux mais l’apparition d’un IdĂ©al. Dans l’ouvrage de Jacqueline Duchemin, il est dit que Pour Goethe 
 l’éternel fĂ©minin, loin d’ĂȘtre une source de perdition comme le veut la tradition chrĂ©tienne, est un principe essentiellement bienfaisant ; la Femme n’a pas Ă©tĂ© envoyĂ©e aux hommes pour leur perte, comme le contait le rĂ©cit d’HĂ©siode, mais pour leur salut. »[1]. Goethe met donc au premier plan son rĂŽle de mĂšre grĂące auquel elle va perpĂ©tuer l’ mythe reste toujours d’actualitĂ© puisque dans un article consacrĂ© au professeur universitaire François Rachline en octobre 2011, ce dernier nous donne un autre regard sur Eve – qui, nous le rappelons peut ĂȘtre associĂ©e Ă  Pandore – et affirme que Sans Eve et la pomme, l’ĂȘtre humain ne serait jamais entrĂ© dans la grande aventure de la connaissance ». Il condamne la vision traditionnelle qui fait d’elle la responsable de tous les malheurs sur Terre. Au contraire, il prĂ©sente sa curiositĂ© comme le moyen pour l’homme de sortir de son ignorance. Elle permet Ă  l’humanitĂ© de d’aprĂšs l’auteur Jean Rudhardt, HĂ©siode ne cherche pas Ă  raconter la crĂ©ation de la premiĂšre femme, car la fĂ©minitĂ© existe dĂ©jĂ  chez les dĂ©esses et les animaux. Pandore servirait plutĂŽt Ă  faire entrer l’humanitĂ© dans un monde civilisĂ©. C’est elle qui marque le dĂ©but de la civilisation. Nous remarquons que l’auteur valorise son rĂŽle dans la sociĂ©tĂ©. Elle acquiert un statut, celui d’épouse. Pandore est Ă  la fois dĂ©crite comme faible et ne sachant rĂ©sister Ă  ses pulsions, mais aussi comme une Ă©pouse qui assure l’économie domestique. Elle est prĂ©sentĂ©e Ă  la fois comme un bien fait et un flĂ©au et incarne donc la dualitĂ©. De plus, grĂące Ă  elle le bien et le mal s’équilibrent.[1] Le chĂątiment de PromĂ©thĂ©e et sa dĂ©livrancePour avoir donnĂ© le feu aux hommes, PromĂ©thĂ©e est condamnĂ© Ă  ĂȘtre enchaĂźnĂ© au sommet du Mont Caucase HĂ©siode mentionne une simple colonne. Selon Apollodore et Eschyle, c’est HĂ©phaĂŻstos, dieu forgeron et du feu, lui-mĂȘme qui l’enchaĂźne et selon HĂ©siode, il s’agit de Zeus. Tous les jours, un aigle mange son foie qui se reforme durant la nuit. Le mythe de PromĂ©thĂ©e nous amĂšne Ă  penser que les Grecs anciens avaient dĂ©couvert que cet organe est l'un des rares Ă  se reconstituer naturellement en cas de blessure. Un jour, HĂ©raclĂšs libĂšre PromĂ©thĂ©e en tuant l’aigle d’une flĂšche VoilĂ  ce que tu as gagnĂ© en jouant le bienfaiteur des hommes. Dieu que n’effraie pas le courroux des dieux, tu as, en livrant leurs honneurs aux hommes, transgressĂ© le droit en rĂ©compense, tu vas sur ce rocher monter une garde douloureuse ... »[1]. Symboliquement parlant, HĂ©raclĂšs qui reprĂ©sente la force, sauve PromĂ©thĂ©e, l’ ne s’y oppose pas, car c’est son fils, HĂ©raclĂšs qui commet un nouvel exploit en libĂ©rant PromĂ©thĂ©e. Dans La ThĂ©ogonie, Zeus a jurĂ© sur le Styx, que PromĂ©thĂ©e sera enchaĂźnĂ© Ă  jamais sur le Mont Caucase. Le problĂšme est que les dieux qui ne tiennent pas leur promesse sont punis. Mais Zeus trouve une solution grĂące Ă  MĂ©tis l’intelligence Il oblige PromĂ©thĂ©e Ă  porter une bague faite avec une pierre qui provient du Caucase et un bout de sa chaĂźne. Symboliquement, PromĂ©thĂ©e est donc toujours liĂ© au Mont Caucase.[1] Eschyle, PromĂ©thĂ©e enchaĂźnĂ©, vers 28-31 D’aprĂšs les Ă©crits d’Apollodore, l’histoire continue. ParallĂšlement Ă  cela, le centaure Chiron souffre d’une blessure incurable que lui aurait faite HĂ©raclĂšs par erreur en le touchant au genou avec sa flĂšche alors qu’il chassait le sanglier d’Erymanthe. FlĂšche, qui rappelons-le Ă©tait trempĂ©e dans le sang de l’Hydre de Lerne et c’est pour cette raison que la blessure de Chiron est incurable. Malheureusement pour lui, Chiron est immortel. Il est donc condamnĂ© Ă  souffrir Ă©ternellement de cette blessure. Il dĂ©cide donc d’échanger son immortalitĂ© contre la mortalitĂ© de PromĂ©thĂ©e bien qu’il soit un Titan. Zeus accepte et c’est pour cela que PromĂ©thĂ©e est un Titan immortel. Pour le remercier de l’avoir libĂ©rĂ©, PromĂ©thĂ©e indique Ă  HĂ©raclĂšs oĂč se trouvent les pommes d’or du jardin des et la BibleIl est intĂ©ressant de rappeler que le mythe de PromĂ©thĂ©e ressemble beaucoup Ă  certains Ă©pisodes de la Bible, dans le monde ChrĂ©tien et/ou plus particuliĂšrement, au rĂ©cit biblique d’Adam et pĂšre de PromĂ©thĂ©e, Japet ressemble Ă©trangement au nom Japhet, un des fils de redescend du ciel avec le feu dĂ©robĂ©, tel JĂ©sus, sauvant l’ feu de l’Olympe Le feu cĂ©leste » reprĂ©senterait la connaissance divine ».L’épisode oĂč PromĂ©thĂ©e est enchaĂźnĂ© au somment du Mont Caucase ressemble Ă  celui oĂč JĂ©sus est peut aussi ĂȘtre comparable Ă  un ange, qui apporte la luciditĂ© aux ĂȘtres le rĂ©cit adamique, Pandore peut ĂȘtre identifiĂ© Ă  Eve qui touchera au fruit interdit, comme Pandore ouvrira la boĂźte et EpimĂ©thĂ©e Ă  fait que depuis l’évĂ©nement d’Adam et Eve, l’homme est vouĂ© Ă  s’opposer Ă  Dieu/aux mythe de PromĂ©thĂ©e est un mythe fondateur d’une grande importance, ce qui explique les nombreuses versions existantes. Il explique de quelle maniĂšre l’homme entre dans la civilisation. D’une part avec le feu qui va lui permettre de rĂ©aliser de grands progrĂšs et d’autre part avec la crĂ©ation de la femme en tant qu’épouse. GrĂące Ă  cela, l’homme s’éloigne de l’animalitĂ© et entre dans la culture, c’est-Ă -dire une sociĂ©tĂ© avec des rĂšgles et des lois et non plus rĂ©gie par l’instinct. Ce mythe explique Ă©galement la rivalitĂ© entre les dieux et les hommes. En effet, Ă  cause de sa dĂ©sobĂ©issance, l’homme va attirer la colĂšre des dieux et va ĂȘtre puni par l’intermĂ©diaire de mythe aurait Ă©tĂ© influencĂ© par les lĂ©gendes du Proche-Orient, mais c’est vĂ©ritablement les textes d’HĂ©siode et d’Eschyle qui permettent sa diffusion dans la GrĂšce ainsi qu’à travers les Ă©poques. Il sera repris dans la littĂ©rature, notamment par Goethe mais intĂ©ressera Ă©galement de nombreux autres auteurs. Le mythe de PromĂ©thĂ©e est 
l’un de ceux qui ont servi Ă  exprimer les incertitudes et les angoisses de l’esprit devant les problĂšmes insolubles de la vie et de la destinĂ©e, plus particuliĂšrement devant le problĂšme du mal
 »[2].[2] PromĂ©thĂ©e, Jacqueline Duchemin, Paris les Belles Lettres, 2000 BibliographieOuvrages et sites internet utilisĂ©s pour le mythe de PromĂ©thĂ©e APOLLODORUS, BibliothĂšque, traduction et commentaires de Jean-Claude CARRIERE et Bertrand MASSONIE, Paris, Les Belles Lettres, 1991Paul DIEL, Le symbolisme dans la mythologie grecque, Ă©d. Payot et Rivages, Paris, 2002HESIODE, ThĂ©ogonie, traduction et commentaires de Paul MAZON, Paris, Les Belles Lettres, 1996Gaston BACHELARD, La psychanalyse du feu, Ă©d. Gallimard, Folio Essais », PromĂ©thĂ©e enchaĂźnĂ©1. * page 1 et 23. 2 3 PromĂ©thĂ©e apportant le feu aux hommes, Heinrich FĂŒger, 1817, 221X156 cm,Liechtenstein Museum, 4 Jules Joseph Lefebvre, Pandore, 1882Image 5 John William Waterhouse, Pandore, 6 Theodoor Rombouts, PromĂ©thĂ©e, MusĂ©es royaux des Beaux-Arts de BelgiqueImage 7 Tableau de Christian GRIEPENKERL, HeraclĂšs sauve et article utilisĂ©s pour la figure de Pandore VĂ©ronique CHÂTEL et Jean-Christophe AESCHLIMANN, Adam, la pomme, Eve et nous, CoopĂ©ration numĂ©ro 42, 18 octobre 2011Jacqueline DUCHEMIN, PromĂ©thĂ©e, histoire du mythe, de ses origines orientales Ă  ses incarnations modernes, Paris, 2000Edith HAMILTON, La mythologie, coll. Marabout universitĂ©, Ă©dition marabout, Verviers, 1978HESIODE, Les travaux et les jours, 42-106 trad. MAZON CUF, Les Belles Lettres, Paris, 1996Guus HOUTZAGER, L’univers de la mythologie grecque, trad. Jean-Louis HOUDEBINE, Ă©ditions GrĂŒnd, Paris, 2004Jean RUDHARDT, Les dieux, le fĂ©minin, le pouvoir, Labor et Fides, GenĂšve, 2006
Apo19.10). Or le peuple de Dieu (le reste, les 144000) observe les commandements de Dieu et a le tĂ©moignage de JĂ©sus ( Et le dragon fut irritĂ© contre la femme, et il s’en alla faire la guerre aux restes de sa postĂ©ritĂ©, Ă  ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le tĂ©moignage de JĂ©sus. Apo 12.17). Comment peut-on faire la part entre faute et pĂ©chĂ© ?Ce n'est pas entre ces termes qu'il y a une diffĂ©rence. Mais plutĂŽt entre culpabilitĂ© et pĂ©chĂ©. Quand on parle du pĂ©chĂ©, on parle du mal et Ă  la fois de quelque chose quiengage la foi et la relation Ă  Dieu. Mais on en n'est pas forcĂ©ment conscient. Je ne suis pas certaine moi-mĂȘme de l'avoir dĂ©terminĂ©. N'oublions pas que dans la foi, il y a toujours une part de responsabilitĂ© dans le bien comme dans le le mensonge, par exemple. Pas celui d'un enfant, bien sĂ»r. Mais parlons plutĂŽt de l'attitude mensongĂšre qui peut ĂȘtre mortifĂšre. Comme la mĂ©chancetĂ©. Quelques paroles suffisent Ă  faire du mal, sans que cela soit au premier abord apparent. Dans l'Evangile, JĂ©sus est sĂ©vĂšre avec les pharisiens Mt, 9, 10-13, mais pas avec la femme discerner concrĂštement le moment de se rĂ©concilier ?D'abord, il faut sortir de la contrainte extĂ©rieure. La personne doit avoir besoin de ne pas rester seule avec sa faute. Elle doit ressentir cela comme une nĂ©cessitĂ© intĂ©rieure. Quand le fils prodigue dit "j'irai et je dirai" Luc, 15, 11-32, il demande un geste ou une parole qui le tire de lĂ . Cela renvoie Ă  la relation fraternelle. Ces gestes sont liĂ©s au on peut vivre la rĂ©conciliation de diffĂ©rentes façons, au travail, dans le couple, sans pour autant la sĂ©parer de la dĂ©marche sacramentelle. L'unitĂ© de l'expĂ©rience humaine et spirituelle peut se cĂ©lĂ©brer dans le sacrement, mais pas se situe la limite entre le pardon thĂ©rapeutique et le pardon sacramentel ?Au cours d'une thĂ©rapie, on n'avoue pas, on nomme. La thĂ©rapie prĂ©pare l'acte d'assumer la vie qu'on a eu, si l'on s'engage, bien sĂ»r. Mais si on a Ă  pardonner ou Ă  demander le pardon, c'est une autre dĂ©marche. La responsabilitĂ©, le geste ne font pas partie de la thĂ©rapie. MĂȘme si le courage de faire la vĂ©ritĂ© en soi est dĂ©jĂ  un acte spirituel, Ă  condition de le dĂźtes "nous sommes sauvĂ©s et pardonnĂ©s avant mĂȘme de nous savoir pĂ©cheurs" 1, pouvez-vous l'expliquer ?C'est ce que dit Paul "Vous ĂȘtes morts et sauvĂ©s par le Christ", Ă©pĂźtre de saint Paul aux Romains, 6, 1-14. Par la cĂ©lĂ©bration du pardon, on se met en disposition de reconnaĂźtre la RĂ©surrection. Elle transforme tout. Le pardon empĂȘche le pĂ©chĂ© d'avoir le dernier mot. Dans ce sens, le pardon est un des noms de la RĂ©surrection. "Vous ĂȘtes et vous serez ressuscitĂ©s avec le Christ", nous dit Paul. C'est une invitation Ă  cheminer vers la rite de la rĂ©conciliation se perd. Selon vous, comment Ă©volue le sens de ce sacrement ?Aujourd'hui, le sacrement de rĂ©conciliation s'est vidĂ© de sa gestuelle et de son sens. Nous devons retrouver, rĂ©animer les rites du CarĂȘme sans pour autant en faire des mĂ©canismes. Pour cela, il suffit de peu. C'est comme un repas en famille, qui est un acte quotidien fort. Seulement, nous gardons une certaine timiditĂ© Ă  en reconnaĂźtre toute sa plĂ©nitude. Pour moi, la dĂ©marche de rĂ©conciliation est du mĂȘme avenir lui voyez-vous ?Le sacrement de rĂ©conciliation est "la pierre de touche du christianisme" 2. Il n'aura d'avenir que si son sens est vĂ©cu comme une dĂ©marche dans laquelle chacun retrouve son intĂ©gritĂ© intĂ©rieure, son centre de gravitĂ© dans la foi. Attention, il ne s'agit pas de saintetĂ© ! Si chacun prend un chemin de vĂ©ritĂ© vis-Ă -vis de lui-mĂȘme et vis-Ă -vis de Dieu, peut-ĂȘtre apprendrons-nous Ă  rĂ©habiter la forme. 1 Page 18, La RĂ©conciliation, Ă©ditions DesclĂ©e de Brouwer 1997. 2 Sous-titre de son ouvrage, La du Charlat, religieuse auxiliatrice, 1997source
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LaBible rĂ©vĂšle que des serviteurs fidĂšles de JĂ©hovah se sont sentis Ă  bout de force ( 1 Rois 19:4 ; Job 7:7 ). Cependant, au lieu d’abandonner, ils ont demandĂ© Ă  JĂ©hovah de les soutenir. Ils n’ont pas Ă©tĂ© déçus, car notre Dieu « donne de la force Ă  celui qui est Ă©puisĂ© » ( Is. 40:29 ). Malheureusement, certains pensent que

32Ăšme dimanche du Temps ordinaire 1R 17, 10-16 ; Ps 145 146 ; He 9, 24-28 ; Mc 12, 38-44. Élie, le grand prophĂšte dans la mĂ©moire d’IsraĂ«l, est vraiment le reprĂ©sentant de Dieu. L’attitude de la veuve de Sarepta vis-Ă -vis de lui est signe de son attitude vis-Ă -vis de Dieu. Le texte est criant de simplicitĂ©, sans fioritures Je rentre prĂ©parer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » La rĂ©ponse ? N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit ». Et Élie qui se fait servir en premier comme si de rien n’était ! Fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils » ! Mais sa parole est la Parole de Dieu, la veuve la croit Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncĂ© ». Texte de confiance en Dieu, de foi en lui. Dieu ne nous abandonne pas dans la dĂ©rĂ©liction la plus extrĂȘme pourvu que nous comptions sur sa Parole, mĂȘme quand tout semble perdu. Texte pour nous, maintenant, dans notre Église en passe de disparaĂźtre
 de plus par sa faute ! Nous pouvons alors chanter le psaume qui rappelle le Magnificat Il comble de bien les affamĂ©s, renvoie les riches les mains vides ». C’est de tous les pauvres, les exclus, ceux qui ne sont pas dans l’installation les Ă©trangers par exemple que Dieu prend soin. Les autres, il nous en prĂ©serve Il Ă©gare les pas du mĂ©chant ». Question de quel bord sommes nous ? De celui des riches, des installĂ©s qui n’ont plus rien Ă  demander, ou des affamĂ©s ? AffamĂ©s de quoi ? Sans oublier ceux qui ont faim, trĂšs concrĂštement, et qui ne sont pas loin de nous, mĂȘme quand nous savons ne pas les voir. On peut consulter le dernier rapport sur la pauvretĂ© du collectif Alerte PACA il est Ă©difiant. Au cours de l’histoire d’IsraĂ«l, tout Ă©tait sans cesse Ă  reprendre. Dieu donne Ă  ceux qui ont la foi, mais le peuple doit avancer pour comprendre cette bontĂ© de Dieu, par ses sacrifices rĂ©pĂ©tĂ©s il essaye de se rapprocher de son Seigneur. Il attend le Messie qui va enfin le sauver, recrĂ©er ce monde en un lieu oĂč coulent le lait et le miel ». Les prophĂštes, tel Élie, sont lĂ  pour guider le peuple sur cette route du salut, les prĂȘtres pour tenter de maintenir, par les sacrifices, le lien tĂ©nu qui le lie Ă  YahvĂ©. Le Christ, par son sacrifice rendre sacrĂ© », c’est-Ă -dire remettre Ă  Dieu » a remis l’humanitĂ© entre les mains du PĂšre. La croix-rĂ©surrection marque un point de non-retour. C’est une fois pour toutes, Ă  la fin des temps, qu’il s’est manifestĂ© pour dĂ©truire le pĂ©chĂ© par son sacrifice ». Les multiples sacrifices sont devenus inutiles, on est rentrĂ© dans les temps nouveaux, le temps oĂč l’Esprit est donnĂ© aux hommes pour vivre de l’amour de Dieu. On est passĂ© de l’ùre du pĂ©chĂ©, de la coupure d’avec Dieu, Ă  l’ùre de la grĂące et du salut Il apparaĂźtra une seconde fois, non plus Ă  cause du pĂ©chĂ©, mais pour le salut de ceux qui l’attendent ». Le don que YahvĂ© faisait aux hommes en les comblant de ses bienfaits, comme envers la veuve de Sarepta, est maintenant un don Ă©ternel, c’est-Ă -dire non liĂ© au temps, un don qui nous fait vivre totalement dans notre Ă©tat de fils de Dieu dans lequel le Christ nous a fait entrer. L’évangile, en Ă©voquant cette veuve pauvre, comme celle de Sarepta, rappelle le geste de la premiĂšre qui, dans l’indigence totale, a donnĂ© Ă  Élie tout ce qui lui restait. La question est dans ce monde nouveau inaugurĂ© par la croix qui est l’unique sacrifice, est-ce que nous avons assez de foi pour tout donner, au-delĂ  de notre superflu ? Dit diffĂ©remment nous contentons-nous de la pratique de notre religion, pratique sĂ©rieuse, en faisant ce qu’il faut », en continuant Ă  sacrifier » Ă  la petite semaine, ou voulons-nous sortir de notre confort, de notre installation, pour suivre JĂ©sus dans ce monde nouveau ? Sommes-nous disposĂ©s Ă  ĂȘtre secouĂ©s par son appel sans savoir ce qui adviendra ? Notre rĂ©ponse nous engage, elle n’est pas Ă©vidente... Marc Durand
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Et Dieu crĂ©a la femme Re-lecture talmudique À propos de la lecture talmudique d’Emmanuel LĂ©vinas Et Dieu crĂ©a la femme » JĂ©rĂŽme Benarroch RĂ©sumĂ© Emmanuel LĂ©vinas a jouĂ© un rĂŽle trĂšs important pour faire dĂ©couvrir au monde intellectuel et philosophique qu’existe une vĂ©ritable pensĂ©e thĂ©orique dans les textes talmudiques. Mais comme il l’avoue lui-mĂȘme, c’est en amateur qu’il aborde ces textes1. Par lĂ  mĂȘme, sans le vouloir, il y retrouve Ă©tonnamment des Ă©lĂ©ments fondamentaux de sa propre philosophie. Mais de ce fait, aux yeux d’un public non averti, la pensĂ©e talmudique et la pensĂ©e lĂ©vinassienne apparaissent presque comme une seule et mĂȘme entitĂ©, au point que l’on cherche parfois la pensĂ©e de LĂ©vinas dans le Talmud ou dans la Bible ! À travers cette relecture talmudique », nous voudrions montrer qu’il faut savoir distinguer la pensĂ©e propre de ce grand philosophe de l’enseignement des Sages du Talmud et ne pas les confondre. S’il y a chez ces derniers une pensĂ©e thĂ©orique, la comprĂ©hension et la réélaboration conceptuelle de leur pensĂ©e sont complexes et exigent un investissement entier et quasi exclusif – jour et nuit », dit le verset de JosuĂ© 1, 8, pour ne pas t’en Ă©carter, ni Ă  droite ni Ă  gauche ». Abstract Emmanuel Levinas played a pivotal role in his effort to make the intellectual and philosophical world see that true theoretical thought can be found in Talmudic texts. But as he himself admits, it is as an amateur that he approaches these texts2. Thus, without seeking it, he surprisingly finds in these texts fundamental elements of his own philosophy. Hence, in the eyes of an uninformed public, Talmudic thought and Levinasian thought appear practically as one and the same entity, so much so that we sometimes try to find Levinas’s thought in the Talmud or in the Bible! Through its “Talmudic re-reading,” this paper aims to show that it is necessary to know how to distinguish the actual thought of this great philosopher from the teachings of the Sages of the Talmud and not confuse them. If, indeed, theoretical thought exists in the teachings of the Sages, the comprehension and the conceptual re-elaboration of their thought are complex and require total and almost exclusive attention – “day and night” says the verse from Joshua 1, 8, in order “not to turn from it to the right or to the left.” 1 LĂ©vinas procĂšde presque systĂ©matiquement, en prĂ©ambule Ă  ses lectures talmudiques, Ă  des aveux habituels de faiblesse » LĂ©vinas Emmanuel, Du sacrĂ© au saint, Paris, Minuit, 1977, p. 126. Cf. notamment LĂ©vinas E., Quatre lectures talmudiques, Paris, Minuit, 1968, p. 31-32, oĂč il parle du commentaire talmudique comme d’ une tĂąche oĂč je ne m’évertue qu’en amateur » et oĂč il prĂ©cise [
] en me prĂ©sentant ainsi je ne me livre pas Ă  une manifestation de fausse modestie. » 2 In his foreword to the Talmudic Lectures, LĂ©vinas almost systematically refers to his “aveux habituels de faiblesse” LĂ©vinas Emmanuel, Du sacrĂ© au saint, Paris, Minuit, 1977, Cf. specifically LĂ©vinas E., Quatre lectures talmudiques, Paris, Minuit, 1968, where he refers to Talmudic commentary as “une tĂąche oĂč je ne m’évertue qu’en amateur” and adds “[
] en me prĂ©sentant ainsi je ne me livre pas Ă  une manifestation de fausse modestie.” Dans un article publiĂ© en 1977 dans Du sacrĂ© au saint et intitulĂ© Et Dieu crĂ©a la femme »3, Emmanuel LĂ©vinas propose une interprĂ©tation d’un passage talmudique tirĂ© du TraitĂ© Berakhot 61a, traitant de la crĂ©ation de la femme. Nous nous proposons d’analyser cette lecture qui, Ă  la fois, montre l’originalitĂ© et l’importance de ce grand philosophe qui a su, sur un plan thĂ©orique, prendre au sĂ©rieux les enseignements de nos Sages et dĂ©gager de leurs propos souvent obscurs ou mĂ©taphoriques une authentique profondeur conceptuelle, mais qui rĂ©vĂšle aussi une certaine extĂ©rioritĂ©, source de malentendus. À cet effet, nous tĂącherons, dans un premier temps, de rendre compte des thĂšses majeures de son analyse. Dans un deuxiĂšme temps, nous formulerons certaines objections Ă  celles-ci ; enfin, nous envisagerons une autre voie d’étude, plus fidĂšle, Ă  notre sens, Ă  la pensĂ©e talmudique. Pour ne pas alourdir notre propos, nous ne citons pas dans son entier le passage commentĂ© ; il figure en tĂȘte de l’article d’Emmanuel LĂ©vinas. I. PrĂ©sentation du sujet L’enjeu premier de ce passage talmudique est d’exposer un dĂ©bat » entre deux AmoraĂŻm de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration, Rav et Shmouel, ayant trait au rĂ©cit biblique de la crĂ©ation de la femme. L’un des deux – sans que l’on sache lequel – Ă©nonce que ce que le texte biblique appelle cĂŽtĂ© de l’homme »4, d’oĂč a Ă©tĂ© bĂątie la femme, Ă©tait un visage », tandis que l’autre dit que c’était une queue ». Une fois les termes de la controverse posĂ©s, la Guemara5 s’attache Ă  Ă©prouver chacune des deux versions, pour en Ă©tablir la lĂ©gitimitĂ©. Pour ce faire, elle procĂšde en opposant Ă  chacune des deux thĂšses diffĂ©rents versets bibliques qui semblent Ă  chaque fois contredire les thĂšses en question. Ainsi plusieurs objections sont-elles tout d’abord formulĂ©es Ă  l’encontre de celui qui pense qu’il s’agissait d’une queue » ; et la Guemara apporte une rĂ©ponse Ă  chacune de ces objections, ce qui permet de confirmer que le texte biblique supporte, dans son dĂ©tail, une telle interprĂ©tation. La Guemara inverse alors le questionnement et, Ă  l’aide d’un autre verset, avance une objection Ă  l’encontre de la lecture qui, dans le cĂŽtĂ© », voit un visage », objection Ă  laquelle il est Ă©galement rĂ©pondu. En fin de discussion, il n’est pas explicitement dit quelle est la version la plus vraisemblable, la plus justifiĂ©e en termes de preuves textuelles, car il s’agit lĂ  d’un vĂ©ritable dĂ©bat », au sens oĂč chaque option est soutenable. On comprend donc que les deux contradicteurs progressent chacun selon sa voie dans les diffĂ©rents versets, et ce, non seulement pour permettre une indispensable compossibilitĂ© des versets » mais, comme le suggĂšre E. LĂ©vinas, pour Ă©laborer un enchaĂźnement d’idĂ©es dans ses multiples possibilitĂ©s » NĂ©anmoins, il faut noter qu’à la lecture d’un autre passage talmudique, dans le TraitĂ© Ketouvot 8a, on peut Ă©tablir que l’option du visage », qui signifie que l’homme et la femme ont Ă©tĂ© créés en un temps unique, dos Ă  dos, c’est-Ă -dire sous la forme d’un ĂȘtre androgyne Ă  deux visages, est l’option retenue par la Guemara6. Ceci ne sous-entend toutefois pas que ce 3 LĂ©vinas E., Et Dieu crĂ©a la femme », Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 125-148. 4 GenĂšse 2, 22. 5 Guemara commentaire de la Michna par les AmoraĂŻtes, qui succĂ©dĂšrent aux TanaĂŻtes, maĂźtres de la Michna IIIe-VIIe siĂšcle. L’ensemble Michna et Guemara forme le Talmud 6 Il existe en effet un autre dĂ©bat, concernant le nombre de bĂ©nĂ©dictions Ă  prononcer lors d’un mariage certains disent cinq, d’autres six. La Guemara suppose au dĂ©part que ce dĂ©bat correspond Ă  notre dĂ©bat, celui qui pense cinq » Ă©tant en fait celui qui dit que l’homme et la femme ont Ă©tĂ© créés en une fois sous forme de deux visages », et celui qui pense six » rajoutant une bĂ©nĂ©diction car il penserait qu’il y a eu deux temps dans la crĂ©ation humaine, un premier sous la forme d’un homme avec une queue » et un second temps correspondant Ă  la crĂ©ation de la femme en tant que telle, justement Ă  partir de la queue ». Mais la Guemara revient de cette premiĂšre hypothĂšse et dĂ©clare que tous pensent qu’il n’y eut qu’une seule crĂ©ation », ce qui soit lĂ  la vraie » version, ni la plus aboutie – car dans un dĂ©bat » talmudique, chacune des diffĂ©rentes options a et conserve toujours sa part de nĂ©cessitĂ© – mais simplement que, au moins en ce qui concerne ici les bĂ©nĂ©dictions du mariage – thĂšme de la guemara Ketouvot 8a – les Sages ont estimĂ© que l’option du visage » Ă©tait la plus adĂ©quate. Cela pour indiquer Ă  quel point on doit prendre garde de ne pas privilĂ©gier sans justification une option plutĂŽt qu’une autre dans un dĂ©bat » talmudique ; il s’agit plutĂŽt de retrouver la mesure de la divergence et saisir la logique propre de chacune des voies en jeu. Ainsi, dans ce passage de Berakhot 61a, les deux options apparaissent en fin de compte aussi praticables l’une que l’autre. Par consĂ©quent, au niveau des principes et de leur lĂ©gitimitĂ© au regard du texte biblique, elles devront ĂȘtre envisagĂ©es comme deux explications suffisantes et peut-ĂȘtre complĂ©mentaires du sujet de la crĂ©ation de la femme. Or, quel est le problĂšme que soulĂšve ce sujet » ? RĂ©pondre Ă  cette question oblige Ă  rĂ©pondre d’emblĂ©e Ă  la question de la pertinence du texte biblique qui, dans son Ă©trange densitĂ© signifiante, Ă©labore des solutions Ă  des problĂšmes thĂ©oriques et pratiques. Car ce que le texte biblique pense » n’est pas explicite. Il contraint plutĂŽt Ă  penser, mais sans livrer » les idĂ©es sur un mode philosophique. S’il est donc Ă©vident pour nous que le texte de la Tora n’est pas un texte historico-anthropologique mais vient Ă  la fois formuler des problĂ©matiques thĂ©oriques et enseigner les consĂ©quences pratiques de ces Ă©laborations, il nous faut comprendre pourquoi la relation entre l’homme et la femme y est prĂ©sentĂ©e sous la forme de cette crĂ©ation » et pourquoi cette crĂ©ation revĂȘt une allure mythologique. Notre hypothĂšse est que la Tora conjoint, unifie dans sa formulation singuliĂšre ce qui est par ailleurs sĂ©parable l’approche thĂ©orique, l’approche de l’exigence pratique et l’approche sensible. Notre but n’est pas ici de dĂ©velopper cet enjeu mais de rappeler que le texte biblique a toujours un aspect normatif, pratique, qui doit ĂȘtre pris en considĂ©ration dans toute rĂ©flexion sur son sens7. Nous verrons qu’E. LĂ©vinas, dans sa lecture du Talmud, nĂ©glige cet aspect. Remarquons en outre que le Talmud tend Ă  se superposer au texte biblique, en cela qu’il rĂ©utilise son style singulier, imagĂ© ». En effet, lui non plus n’élabore pas le sens philosophique » de ses choix d’exposition mais, lĂ  encore, oblige celui qui Ă©tudie Ă  formuler des justifications pour rendre sensĂ©es et dĂ©terminĂ©es les idĂ©es et exigences pourtant sousjacentes. Les deux propositions Ă©laborĂ©es par les Sages – la femme créée Ă  partir d’un deuxiĂšme visage » ou bien de la queue » de l’homme – ne sont pas immĂ©diatement formulĂ©es dans un langage thĂ©orique parce que le propos est tout Ă  la fois et indissociablement thĂ©orique, pratique et sensible. E. LĂ©vinas s’efforce pour sa part, et Ă  raison, de dĂ©gager dans son article une possible signification thĂ©orique de ces motifs ». Il envisage donc le problĂšme en termes de pensĂ©e », de conception des choses – ici, la conception du rapport entre l’homme et la femme. Mais l’enjeu ne semble ĂȘtre pour lui ni pratique8, ni esthĂ©tique, ni sensible. Il va donc signifie, d’aprĂšs le commentaire de Rachi, que tous les Sages participant Ă  ce dĂ©bat admettent que l’homme et la femme furent créés en une seule fois, donc sous forme androgyne, les deux visages » dos Ă  dos. La Guemara n’objectant rien Ă  cette explication, on est amenĂ© Ă  penser que l’option visage » est celle que les Sages retiennent. Mais ce point demande Ă  ĂȘtre approfondi. En tout cas, nous voulons ici montrer que la confrontation de diffĂ©rents passages talmudiques traitant d’un mĂȘme sujet est essentielle pour comprendre le sens d’une controverse – c’est lĂ  une des rĂšgles de base de l’étude talmudique. 7 On doit sur ce point se reporter au premier commentaire biblique de Rachi sur Au commencement ». Il affirme La Tora aurait dĂ» commencer par le premier commandement donnĂ© Ă  IsraĂ«l. » Le sens premier » du texte biblique est donc immĂ©diatement mis en relation avec le commandement », c’est-Ă -dire l’impĂ©ratif pratique. 8 Ainsi, dans son avant-propos Ă  Du sacrĂ© au saint, LĂ©vinas dĂ©clare avoir Ă©tĂ© moins appelĂ© que l’étude traditionnelle vers les dĂ©cisions pratiques’ dĂ©coulant de la Loi » op. cit., Pourtant, les dĂ©cisions pratiques » ne sont pas une simple mesure de piĂ©tĂ© sans importance, que l’on pourrait disjoindre du spĂ©culatif. Leur visĂ©e permet de lire les textes en tant qu’énoncĂ©s ou parole et non en tant que discours opposer deux conceptions » de ce qu’il est convenu d’appeler, dans l’univers intellectuel contemporain, la diffĂ©rence sexuelle. II. La lecture d’Emmanuel LĂ©vinas Comment LĂ©vinas comprend-il le dĂ©bat » ? Nous exposerons ici ce qui nous apparaĂźt comme l’essentiel de son dĂ©veloppement, sans entrer dans tous les dĂ©tails de son analyse, qui appelleraient cependant de nombreuses remarques. Sa premiĂšre thĂšse est que Rav et Shmouel conçoivent l'un et l'autre la femme comme faisant partie de l’humain » tout autant que l’homme. C’est-Ă -dire qu’elle n’est pas simplement selon eux la femelle de l’homme », un ĂȘtre vivant, certes, mais d’une vie dont la fonction se limiterait [j’enlĂšve valeur » ici car vous en parlez un peu plus loin dans la mĂȘme phrase]Ă  la capacitĂ© reproductrice animale ou Ă  la satisfaction des dĂ©sirs, et dont la valeur humaine serait donc moindre. C’est la thĂšse Ă©galitariste fondamentale. LĂ  rĂ©siderait mĂȘme, selon LĂ©vinas, l’enjeu central du rĂ©cit de cette Ă©trange crĂ©ation de la femme en tant que prise et construite de l’homme », ce qu’il faudrait entendre au sens de prise de l’humanitĂ© mĂȘme ». Cette thĂšse est en partie paradoxale car a priori on aurait au contraire pu comprendre que la femme, du fait de sa crĂ©ation seconde, soit prĂ©cisĂ©ment considĂ©rĂ©e comme un ĂȘtre infĂ©rieur, de second ordre. D’oĂč l’insistance d’E. LĂ©vinas sur ce point les deux options en dĂ©bat – visage » ou queue » – affirment une Ă©galitĂ© de valeur de l'homme et de la femme. Le fait que la crĂ©ation de la femme apparaisse comme seconde ne peut signifier qu'elle soit ontologiquement secondaire ou infĂ©rieure. Le Talmud et la Tora ne sont pas misogynes
 La controverse entre les deux Sages se situe donc sur un autre plan. Lequel ? NĂ©cessairement, au niveau de la valeur de la distinction entre masculin et fĂ©minin. Celui qui pense que la femme a Ă©tĂ© bĂątie »9 Ă  partir d’un visage » pense non seulement l’égalitĂ© de dignitĂ© entre l’homme et la femme, comme nous venons de le voir, mais aussi que la distinction en masculin et fĂ©minin appartient au contenu essentiel de l’Humain »10, au sens oĂč tous les rapports qui les rattach[Ăšr]ent l’un Ă  l’autre sont d’égale dignitĂ© »11. Mais, d’emblĂ©e, une difficultĂ© surgit dans cette explication. En effet, et sans aller trop loin dans l’analyse, il apparaĂźt que LĂ©vinas assimile ici la diffĂ©rence de l'homme et de la femme Ă  celle du masculin et du fĂ©minin, pour dĂ©clarer que cette premiĂšre lecture – un visage » – Ă©tablit en tant que telle l’idĂ©e de l’égalitĂ© entre l’homme et la femme, sous tous leurs rapports. Que vient nous apprendre l’idĂ©e que la femme aurait Ă©tĂ© construite Ă  partir d’un visage », en plus du fait qu’elle a Ă©tĂ© prise de l’homme, c’est-Ă -dire ici de l’humain ? Seulement ceci que l’égalitĂ© de dignitĂ© est parfaite, ce qui n’était pas Ă©vident dans le texte biblique qui Ă©nonçait simplement qu'elle fut prise du cĂŽtĂ© de l’homme », ce qui aurait pu laisser entendre qu'elle Ă©tait ontologiquement secondaire. La leçon du visage » serait donc choisie pour parer Ă  une mauvaise lecture, une lecture immĂ©diate dĂ©gradante pour la femme ; mais elle n’apporterait aucun nouvel Ă©lĂ©ment de comprĂ©hension, en particulier au niveau du rapport entre masculin et fĂ©minin, comme cela aurait pourtant dĂ» ĂȘtre le cas pour rendre compte des deux enseignements la femme tirĂ©e de l’homme, et tirĂ©e en tant que deuxiĂšme visage. Ainsi, l’idĂ©e pourtant Ă©voquĂ©e par LĂ©vinas du masculin et du fĂ©minin comme distinction essentielle de l’Humain » n’est pas Ă©laborĂ©e plus avant. Plus loin dans son article, reprenant le motif du visage », il n’insiste pas sur cette possibilitĂ© qui, d’aprĂšs sa logique mĂȘme, aurait Ă©tĂ© l’idĂ©e essentielle de celui qui dit visage ». Or, comme on va le voir Ă  propos de la deuxiĂšme option, ceci aurait justement pu constituer un vĂ©ritable enjeu de dĂ©bat entre les deux parties. mythique sur des essences. 9 En hĂ©breu bonĂ© » – construite, bĂątie c’est le terme employĂ© dans le verset de GenĂšse 2, 22. 10 LĂ©vinas E., Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 134. 11 Ibid., p. 134. Mais lorsque celui qui pense visage » doit rĂ©pondre Ă  l’objection du verset qui indique la construction » de la femme prĂ©cision inutile de son point de vue puisque la femme Ă©tait dĂ©jĂ  lĂ , sous la forme d’un autre visage, dans le dos de l’homme, la Guemara, aidĂ©e par Rav ’Hisda, rĂ©pond que le CrĂ©ateur l’a construite comme un Ă©difice » capable de recevoir adĂ©quatement les enfants, car en effet la femme n’apparaĂźt pas seulement comme visage fĂ©minin mais comme un corps spĂ©cifique que le CrĂ©ateur a dĂ» façonner comme un silo Ă  grains, Ă©troit en haut en large vers le bas »12, pour ne pas que la charge Ă  porter – la rĂ©colte ou l’enfant – soit trop pesante sur les parois. E. LĂ©vinas commente cette rĂ©ponse en disant Au-delĂ  de la sexualitĂ©, gestation d’un ĂȘtre nouveau ! le rapport avec autrui par le fils
 »13 Son prĂ©supposĂ© apparaĂźt alors clairement le masculin et le fĂ©minin recouvriraient la notion triviale de sexualitĂ©, c’est-Ă -dire l’érotique, ou l’aspect infra humain de la relation homme-femme, qui serait dĂ©passĂ© par la noblesse de la gestation. Pour le dire de façon abrupte, LĂ©vinas adopte ici la vision chrĂ©tienne de la sexualitĂ©, selon laquelle le rapport masculin-fĂ©minin est constitutivement entachĂ© d’une forme de bassesse. Par consĂ©quent, celui qui pense visage » n’envisagerait en fait pas la distinction masculin-fĂ©minin comme une distinction essentielle, car celle-ci, se rĂ©duisant Ă  la sexualitĂ©, serait Ă  dĂ©passer dans une humanitĂ© authentique, c’est-Ă -dire dans le rapport Ă  autrui. La suite de l’interprĂ©tation d’E. LĂ©vinas vient confirmer cette constatation. La majeure partie de son article est centrĂ©e sur la deuxiĂšme option, qui conçoit la femme comme créée Ă  partir de la queue ». Ceci est dĂ» en partie Ă  une raison contingente, le passage talmudique choisi Ă©tant centrĂ© principalement autour des objections Ă  l’encontre de cette version et des rĂ©ponses visant Ă  la justifier. Mais plus essentiellement, cette version offre l’occasion d’élaborer plus en profondeur l'interprĂ©tation selon laquelle la diffĂ©rence sexuelle, entendue comme Ă©rotique, est secondaire dans l’ordre de l’humain – ceci constitue la deuxiĂšme thĂšse fondamentale d’Emmanuel LĂ©vinas. Le ressort de cette deuxiĂšme thĂšse est le suivant la queue », propose-t-il d’entendre, n’est qu’ un appendice corporel, c’est-Ă -dire une articulation mineure de l’homme »14. Par consĂ©quent, le fait que la femme, en tant que sexuellement distincte de l’homme, ait Ă©tĂ© créée justement Ă  partir de cet appendice secondaire et particuliĂšrement bas, signifie que la distinction sexuelle comme telle est secondaire, car elle ne vient que de cet aspect Ă  la fois secondaire et dĂ©gradĂ© de l’humain. Ce n’est pas la femme qui est secondaire ; c’est la relation avec la femme qui est secondaire ; c’est la relation avec la femme en tant que femme, qui n’appartient pas au plan primordial de l’humain. Au premier plan sont des tĂąches qu’accomplissent l’homme comme ĂȘtre humain et la femme comme ĂȘtre humain. Ils ont autre chose Ă  faire qu’à roucouler et, Ă  plus forte raison, autre chose et plus Ă  faire qu’à se limiter aux relations qui s’établissent Ă  cause de la diffĂ©rence entre sexes. [
] Je pense au dernier chapitre des Proverbes, Ă  la femme qui y est glorifiĂ©e ; elle rend possible la vie des hommes, elle est la maison des hommes ; mais l’époux a une vie en dehors de la maison, il siĂšge dans le Conseil de la citĂ©, il a une vie publique, il est au service de l’universel, il ne se limite pas Ă  l’intĂ©rioritĂ©, Ă  l’intimitĂ©, Ă  la demeure, sans laquelle cependant il ne pourrait rien. »15 Quelle est cette vie de l’universel ? LĂ©vinas le dit plus loin, et c’est une idĂ©e centrale de son Ɠuvre philosophique, censĂ©e se raccrocher ici Ă  la thĂšse de celui qui pense la queue » la responsabilitĂ© de l’homme pour tous les autres’ »16. Et E. LĂ©vinas de souligner le lien Elle [L’interprĂ©tation de Rav Ami] s’accorde parfaitement avec la thĂšse qui affirme la naissance de la femme, dans sa particularitĂ© sexuelle, Ă  partir d’une articulation mineure de l’homme ou de l’humain. Dans la 12 C’est l’explication retenue par Rachi sur le verset de GenĂšse 2, 22. 13 LĂ©vinas E., Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 144 nous soulignons. 14 Ibid., p. 136-137. 15 Ibid., p. 135. 16 Ibid., p. 136. relation avec autrui, la proposition avec’ vire en proposition pour’. Je suis avec les autres’ signifie je suis pour les autres’ responsable d’autrui. Ici, le fĂ©minin comme tel n’est que secondaire. La femme et l’homme, en humanitĂ© authentique, collaborent comme des responsables. Le sexuel n’est que l’accessoire de l’humain. »17 Ainsi l’humanitĂ© authentique se situe-t-elle par delĂ  la relation masculin-fĂ©minin, d’emblĂ©e envisagĂ©e comme relation sexuelle, Ă©rotico-pulsionnelle, narcissico-libidinale ou, au mieux, sentimentale, telle qu’elle peut ĂȘtre sublimĂ©e par la poĂ©sie ou la littĂ©rature. L’ esprit » en tant que tel, dit LĂ©vinas, est ailleurs dans la moralitĂ© ou, plus radicalement, dans la responsabilitĂ© pour autrui, l’autre homme, l’humain – asexuĂ©, donc. Deux Ă©lĂ©ments sont Ă  retenir. PremiĂšrement, LĂ©vinas rĂ©investit sa propre philosophie dans cette proposition de comprĂ©hension de la relation homme-femme Ă  partir de l’idĂ©e d’une diffĂ©rence sexuelle en soi secondaire. DeuxiĂšmement, la vie publique ou le rapport Ă  autrui au sens large est dĂšs lors survalorisĂ© au sein des relations humaines, comme Ă©tant seul porteur d’universalitĂ©. Cette comprĂ©hension s’accorderait de plus avec la maniĂšre dont Rav Ami lit le verset 5 du psaume 139, invoquĂ© en tant qu’objection contre celui qui dit queue » De l’arriĂšre et du devant Tu m’as façonnĂ©, et Tu poses sur moi Ta main. »18 Celui-ci l’entend de maniĂšre totalement diffĂ©rente de celui qui dit visage » car par Ă  l’arriĂšre », il comprend le dernier créé », et par devant », le premier Ă  ĂȘtre puni ». Pour E. LĂ©vinas, ceci indique bien que l’on veut prĂ©senter l’humain comme celui dont la responsabilitĂ© envers l’autre est totale, illimitĂ©e, c’est-Ă -dire mĂȘme au-delĂ  de ses actes libres »19. Or, que signifie cette responsabilitĂ© au-delĂ  de ses actes libres » dans ce contexte ? L’idĂ©e est censĂ©e provenir du passage de la Guemara qui cherche Ă  dĂ©terminer d’oĂč Rav Ami apprend que l’homme est chĂątiĂ© avant le reste du monde. c’est le sens de l’expression premier Ă  ĂȘtre puni ». La Guemara comprend qu’il s’agit de l’épisode biblique du DĂ©luge » car il y est Ă©crit en GenĂšse 7, 23 Dieu effaça toutes les crĂ©atures qui Ă©taient sur la face de la terre depuis l’homme jusqu’à l’animal [
] ». Il semble donc que l’homme reçoive le chĂątiment du CrĂ©ateur avant les animaux, ce qui serait le sens du avant » ou devant », ou en premier » – c’est le mĂȘme mot en hĂ©breu dans le verset du psaume 139. LĂ©vinas commente De cet univers perverti, l’homme rĂ©pond en premier. Cette humanitĂ© est dĂ©finie, non par la libertĂ© – sait-on si le Mal commença par l’homme ? – mais par la responsabilitĂ© antĂ©rieure Ă  toute initiative. L’homme rĂ©pond au-delĂ  de ses actes libres. Il est otage de l’univers. DignitĂ© extraordinaire. ResponsabilitĂ© illimitĂ©e
 »20 Plusieurs remarques seraient ici nĂ©cessaires. LĂ©vinas semble vouloir dĂ©duire de cet Ă©pisode du DĂ©luge » que l’homme, bien qu’il ne soit pas en acte le premier responsable de la dĂ©gradation morale et des mƓurs de l’univers, en assumerait nĂ©anmoins toute la charge. Cela signifierait une responsabilitĂ© au-delĂ  de la stricte justice, preuve de sa dignitĂ© extraordinaire ». Cette dĂ©duction, dans ce contexte, paraĂźt nĂ©anmoins hĂątive. Ne sait-on pas en effet que prĂ©cisĂ©ment, c’est bien l’homme qui fauta et fit fauter toute la terre avant le DĂ©luge » ?21 Aussi, mĂȘme si l’homme Ă©tait sĂ»r de pouvoir supporter une responsabilitĂ© dite illimitĂ©e, ou mĂȘme de devoir la supporter, cette notion paraĂźt difficilement lisible dans l’épisode du DĂ©luge. En effet, si les justes, au niveau individuel, sont capables d’assumer une 17 Ibid., p. 136-137. 18 Pour celui qui dit visage », ce verset est trĂšs clair et va dans son sens. Il indique qu’il y a eu une crĂ©ation primordiale sous une forme double un avant » et un arriĂšre », ce qui serait une allusion directe aux deux visages » de l’homme et de la femme. 19 LĂ©vinas E., Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 139. 20 Ibid., p. 139. 21 Cf. Ă  ce propos l’enseignement de Rabbi Yo’hanan dans le TraitĂ© SanhĂ©drin 108a Toute chair corrompait sa voie » – c’est-Ă -dire qu’ils accouplaient les animaux domestiques aux animaux sauvages, et l’homme avec les animaux. responsabilitĂ© au-delĂ  de leur libertĂ© propre, en tant qu’ils peuvent porter la faute de leur prochain22, l’idĂ©e vaut difficilement pour l’humanitĂ© dans son ensemble, dans son rapport avec les animaux ou les Ă©lĂ©ments physiques, car au niveau de l’Histoire, le seul vĂ©ritable protagoniste est l’homme. Et celui-ci n’a donc pas Ă  porter une quelconque faute des animaux ou de la terre en plus de la sienne, car tout dĂ©pend effectivement de lui. Qu’il ait Ă©tĂ© créé en dernier » indique qu’il est le but de la CrĂ©ation. Qu’il soit chĂątiĂ© en premier » indique qu’il est le seul vĂ©ritable acteur et responsable de l’état moral du monde, au sens oĂč le reste n’est que le miroir de son comportement et le corollaire de sa dĂ©gradation. Une objection dĂ©cisive est alors adressĂ©e Ă  l’encontre de celui qui pense que la femme fut tirĂ©e de la queue » de l’homme. Voici le passage de la Guemara Cela va bien pour celui qui dit visage car il est dit mĂąle et femelle Il les crĂ©a’ GenĂšse 5, 2. Comment celui qui dit queue lit-il ce verset ? Il le lit comme Rabbi Abahou car Rabbi Abahou a exposĂ© une contradiction. Il est Ă©crit d’un cĂŽtĂ© mĂąle et femelle Il les crĂ©a’ GenĂšse 5, 2 et il est aussi Ă©crit car Ă  l’image du Souverain Il a fait l’homme’ GenĂšse 9, 6. Comment est-ce possible ? Au dĂ©but Il eut l’idĂ©e de les crĂ©er deux, mais Ă  la fin Il le crĂ©a unique. »23 E. LĂ©vinas propose une interprĂ©tation de cette rĂ©ponse qui constitue sa troisiĂšme grande thĂšse. La difficultĂ© conceptuelle est de concilier trois aspects premiĂšrement, la distinction sexuelle pensĂ©e comme secondaire par rapport Ă  l’humanitĂ© des ĂȘtres ; deuxiĂšmement, une certaine prééminence de l’homme, ou du masculin, constatĂ©e par le fait de la crĂ©ation originelle de l’homme seul ; enfin, l’idĂ©e d’une pensĂ©e premiĂšre du CrĂ©ateur de crĂ©er l’homme et la femme ensemble. Premier temps de la rĂ©ponse Il a voulu deux ĂȘtres. Il a voulu en effet qu’il y eĂ»t d’emblĂ©e Ă©galitĂ© dans la crĂ©ature et qu’il n’y eĂ»t pas de femme sortie de l’homme, de femme qui passĂąt aprĂšs l’homme. »24 L’idĂ©e de pensĂ©e premiĂšre du CrĂ©ateur vient donc affirmer l’idĂ©al d’égalitĂ© entre l’homme et la femme. Mais, continue LĂ©vinas, cela n’était pas tenable [
] cette indĂ©pendance initiale des ĂȘtres Ă©gaux aurait Ă©tĂ© probablement la guerre. Il fallait procĂ©der non pas en stricte justice, qui, elle, exige en effet deux ĂȘtres sĂ©parĂ©s ; il fallait, pour crĂ©er un monde, qu’il les eĂ»t subordonnĂ©s l’un Ă  l’autre. »25 Nous comprenons que la crĂ©ation originelle du Deux n’aurait pas permis une entente satisfaisante entre les hommes et les femmes, car cette Ă©galitĂ© de fait les aurait Ă©loignĂ©s l’un de l’autre, chacun ayant les ressources suffisantes pour assumer leur sĂ©paration. Cette Ă©galitĂ© naturelle aurait engendrĂ© une confrontation horizontale trop symĂ©trique dont le rĂ©sultat aurait Ă©tĂ© en contradiction avec le but de leur crĂ©ation. Car si le but est l’égalitĂ©, il faut qu’elle puisse ĂȘtre une Ă©galitĂ© unifiante ou, du moins, qui dĂ©coule d’une relation soutenue et la prĂ©serve. D’oĂč l’introduction d’une inĂ©galitĂ© originelle, d’une diffĂ©rence spĂ©cifique qui engendre une dĂ©pendance de l’un envers l’autre, une dĂ©pendance qui tend Ă  les rapprocher 22 C’est mĂȘme peut-ĂȘtre le devoir de chacun. On trouve en effet cette notion dans la formule talmudique qui Ă©nonce que Tout IsraĂ«l est liĂ© », c’est-Ă -dire que tous les Juifs sont liĂ©s les uns aux autres, responsables les uns des autres – littĂ©ralement, la formule hĂ©braĂŻque dit d’ailleurs, pour souligner le rapport d’ unitĂ© » entre les uns et les autres Tout IsraĂ«l sont liĂ©s l’un Ă  l’autre. » 23 TraitĂ© Berakhot 61a. 24 Ibid. 25 LĂ©vinas E., Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 142. l’un de l’autre26. Cependant, comme le prĂ©cise LĂ©vinas, il fallait une diffĂ©rence qui ne compromette pas l’équitĂ© ». Il fallait donc une dĂ©pendance liĂ©e Ă  un aspect secondaire de leur humanitĂ©. La diffĂ©rence sexuelle joue ce rĂŽle. C’est l’opĂ©ration d’ [
] une diffĂ©rence de sexe ; et, dĂšs lors, une certaine prééminence de l’homme, une femme venue plus tard et, en tant que femme, appendice de l’humain. »27 Ainsi, le point de dĂ©pendance Ă©tant sexuel, c’est-Ă -dire, selon la version qui tient que cĂŽtĂ© » signifie queue », secondaire par rapport Ă  l’humain, il ne remettrait pas en cause l’égale participation de l’un et de l’autre Ă  l’humanitĂ©. Pour celui qui dit queue », il existerait bien une dĂ©pendance de la femme par rapport Ă  l’homme, mais cette dĂ©pendance se situerait Ă  un niveau infrahumain, c’est-Ă -dire Ă  un niveau simplement physiologique et psychologique, et sa fonction serait la facilitation d’une vie commune. Cependant, quant Ă  leur humanitĂ©, en tant qu’esprits ou ĂȘtres pensants et donc abstraction faite de leurs caractĂ©ristiques sexuelles, ils conserveraient une Ă©gale nature. Autrement dit la hiĂ©rarchie qui les relierait Ă©tant secondaire, ils pourraient justement vivre, sereinement, un Ă©change humain en rĂ©elle Ă©galitĂ©. La lecture de ce passage de la Guemara par Emmanuel LĂ©vinas procĂšde donc de trois thĂšses principales l’égalitĂ© de valeur entre l’homme et la femme, soulignĂ©e par la procĂ©dure de crĂ©ation de la femme Ă  partir de la personne humaine ainsi que par l’idĂ©e d’un des deux contradicteurs de dire qu’ils Ă©taient au dĂ©part deux visages » ; le caractĂšre secondaire et infrahumain de la diffĂ©rence sexuelle ; la nĂ©cessitĂ© de la hiĂ©rarchie sexuelle ou de la dĂ©pendance pour asseoir une relation stable entre l’homme et la femme Ă  un niveau proprement humain, celui de la relation entre 3. Les objections Nous formulerons plusieurs objections Ă  la lecture de LĂ©vinas 1. L’idĂ©e que la diffĂ©rence entre l’homme et la femme puisse ĂȘtre une diffĂ©rence secondaire, inessentielle, fait difficultĂ©, non seulement en tant que telle, mais surtout par rapport Ă  l’enseignement du Talmud et du texte biblique. Cette idĂ©e Ă©tablit en effet que le lien hommefemme, au sens de masculin et fĂ©minin, est une caractĂ©ristique qui met en relation les ĂȘtres de sexes opposĂ©s par l’intermĂ©diaire d’une attirance triviale, voire vulgaire le dĂ©sir, en tant que recherche Ă©goĂŻste du plaisir. E. LĂ©vinas commente ainsi ce type de relation homme-femme Ils ont autre chose Ă  faire qu’à roucouler [
] La relation libidineuse par elle-mĂȘme ne contiendrait pas le mystĂšre de la psychĂ© humaine. »29 Le rapport entre masculin et fĂ©minin en tant que tel est ici compris comme cette attraction instinctive ou pulsionnelle dite libidineuse », qui agit sur les ĂȘtres mais qui, par elle-mĂȘme, est triviale et dĂ©gradante pour l’humanitĂ© de l’homme. Elle s’apparente Ă  l’instinct sexuel animal. Elle procĂšde comme une force naturelle aveugle, purement physique, visant une 26 Notons que cette explication, selon laquelle la femme a Ă©tĂ© créée Ă  partir d’une partie de l’homme » plutĂŽt qu’indĂ©pendante d’emblĂ©e, pour Ă©viter une indĂ©pendance radicale gĂ©nĂ©ratrice de conflits et pouvant mener Ă  une sĂ©paration complĂšte entre les deux ĂȘtres sexuĂ©s, est une explication traditionnelle. L’originalitĂ© de LĂ©vinas consiste Ă  dire ici que le critĂšre de la dĂ©pendance, la diffĂ©rence sexuelle, est secondaire. 27 LĂ©vinas E., Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 142. 28 D’autres rĂ©flexions sont jointes Ă  celles-ci dans l’article de LĂ©vinas, mais elles ne font qu’encadrer de façon pĂ©riphĂ©rique cette lecture du dĂ©bat » de la Guemara. 29 LĂ©vinas E., Du sacrĂ© au saint, op. cit., p. 135 et p. 137. satisfaction sensible dĂ©nuĂ©e de toute construction d’un sens. C’est pourquoi elle est appelĂ©e Ă  ĂȘtre surmontĂ©e. Et elle ne diffĂšre de l’instinct animal que sur un point nĂ©gatif alors que l’instinct animal produit la perpĂ©tuation de l’espĂšce, l’attirance sexuelle humaine est dĂ©tachĂ©e du souci de reproduction. Elle fonctionne comme une recherche exclusive de plaisir et vise l’apaisement de cette Ă©nergie libidineuse par les ressources de l’érotisme. Le seul enjeu de sens serait alors dans l’effet de rapprochement des ĂȘtres que cet artifice peut induire. LiĂ©s les uns aux autres et dĂ©pendants sur ce plan naturel, ils pourraient par lĂ  mĂȘme, mais sur un autre plan, nouer d’autres types de relations, plus Ă©laborĂ©es, plus spirituelles », c’est-Ă -dire fondamentalement asexuĂ©es. Il apparaĂźt ainsi que les relations proprement humaines existeraient indiffĂ©remment et indistinctement entre hommes et femmes ou entre hommes. Au niveau humain ou ontologique, l’idĂ©al de relation entre l’homme et la femme serait de mĂȘme nature que l’idĂ©al de relation entre hommes dans la fraternitĂ©, par exemple. Or, peut-on soutenir que la relation qu’un homme entretient avec sa femme soit d’une nature Ă©quivalente Ă  celle de la relation idĂ©alement fraternelle que ce mĂȘme homme entretiendrait avec ses collĂšgues de l’UniversitĂ©, hommes ou femmes ? Ce qui se dĂ©voile dans l’intimitĂ© sexuĂ©e du couple ne serait-il qu’une dimension triviale ? N’est-il pas pensable que dans la sexualitĂ© mĂȘme une dimension plus intĂ©rieure et plus fondamentale pour l’humanitĂ© soit en jeu ? 2. Nous avons vu que la justification de la crĂ©ation de la femme serait de permettre un lien de dĂ©pendance qui fasse que l’attirance persiste entre les ĂȘtres, et qu'hommes et femmes ne vivent pas dans une Ă©galitĂ© tragique ayant pour effet de les opposer comme deux forces indĂ©pendantes l’une de l’autre. L’homme dominerait donc la femme Ă  ce niveau de la relation pour le bien » du lien, c’est-Ă -dire pour que la femme ne se rebelle pas, pour qu’elle soit contrainte de lui rester soumise. Et cette soumission engendrerait une possibilitĂ© de relation autre, vraiment humaine, plus facilement rĂ©alisable qu’entre hommes, car entre hommes la mĂȘme difficultĂ© ressurgirait du fait de l’égalitĂ© premiĂšre. Cependant, sur un plan logique, il n’est pas Ă©vident que la dĂ©pendance rende la relation humaine entre l’homme et la femme plus aisĂ©e. La domination pure et simple, si les individus n’accĂšdent pas Ă  la considĂ©ration de l’autre en tant qu’ ĂȘtre humain », prĂ©sente tout autant un risque majeur, comme le montre la rĂ©alitĂ©. En quoi donc la dĂ©pendance favoriserait-elle une relation authentique, continue et stable, puisque celle-ci reposerait, comme toute relation humaine, sur la bonne volontĂ© des acteurs ? Ou encore, en quoi la perversion » de la relation serait-elle plus Ă  mĂȘme d’entraĂźner une relation rĂ©elle que la relation intermittente ? Difficile de voir lĂ , dans cette dĂ©pendance hiĂ©rarchique, une promesse de plĂ©nitude. 3. Si la distinction homme-femme est pensĂ©e en rĂ©fĂ©rence au systĂšme pulsionnel, au dĂ©sir en tant que recherche de satisfaction et, ici30, comme recherche du plaisir, on ne voit malheureusement pas en quoi cela pourrait renforcer le lien d’un homme avec une femme. La psychanalyse, ici entendue comme science qui constate des faits humains, ne procĂšde-t-elle pas, dĂšs son origine, de cet Ă©tonnement face au fait difficilement comprĂ©hensible que, prĂ©cisĂ©ment, l’homme ne trouve pas une satisfaction Ă  sa mesure avec la femme. La cĂ©lĂšbre phrase de Lacan, il n’y a pas de rapport sexuel chez l’ĂȘtre parlant », qui propose une formulation dĂ©finitive et logique de ce constat, vise justement cette faille l’attirance, qui devait rĂ©unir, rate son but et le repousse tout autant. 4. Sur un autre plan, la difficultĂ© principale rĂ©side dans l’analyse des textes 30 E. LĂ©vinas ne distingue pas, comme la psychanalyse le fait en dĂ©tail, la recherche du plaisir, la pulsion, la libido et le dĂ©sir. talmudiques et bibliques. Car ce passage de Berakhot 61a est lui-mĂȘme une interprĂ©tation des versets du dĂ©but de la GenĂšse, dans deux passages principalement. Or, l’économie interne de ces versets, indĂ©pendamment du dĂ©bat talmudique qui y trouve sa source, est elle-mĂȘme trĂšs complexe. Il est cependant possible de dĂ©gager un Ă©lĂ©ment central d’une analyse de leur composition la distinction homme-femme chez l’homme n’est pas du mĂȘme ordre que la distinction mĂąle-femelle chez les animaux, et il ne paraĂźt donc pas envisageable de comprendre cette distinction en termes d’instinct ou de pulsion triviale, au sens d’une attirance sexuelle et Ă©rotique, ou d’un simple dĂ©sir d’accouplement. En effet, un premier verset, Ă  la fin du premier chapitre du texte biblique, Ă©nonce Dieu crĂ©a l’homme Ă  son image, Ă  l’image de Dieu Il le crĂ©a. MĂąle et femelle Il les crĂ©a. »31 Or, dans ce premier chapitre de la GenĂšse, les animaux ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© créés et il n’est pas prĂ©cisĂ© Ă  leur propos qu’ils furent créés mĂąles et femelles, car cette distinction n’est pas signifiante chez eux, alors qu’elle est pourtant bien rĂ©elle et permet mĂȘme la perpĂ©tuation des espĂšces. Par consĂ©quent, lorsque le texte biblique prĂ©cise, Ă  propos de la crĂ©ation de l’homme, que mĂąle et femelle Il les crĂ©a », ce ne peut ĂȘtre simplement pour signifier qu’il y a des hommes et des femmes et qu’entre eux existe une attirance mais que celle-ci est secondaire. Et mĂȘme en supposant que secondaire », chez l’homme, ne soit pas rĂ©ductible Ă  insignifiant ou sans importance, il reste que la distinction mĂąle-femelle est mise en exergue de maniĂšre telle pour l’homme qu’il ne convient pas de la rabattre sur une attirance purement instinctuelle qui aurait sa fin en dehors d’elle-mĂȘme. Le sens simple du verset est bien que la distinction du masculin et du fĂ©minin est chez l’homme une distinction Ă  la fois radicale et essentielle, qui doit trouver une signification en tant que telle. Ce n’est qu’à partir de ce point que le dĂ©bat » entre les deux AmoraĂŻm de la Guemara pourra prendre forme. 5. Sur un plan strictement talmudique maintenant, il apparaĂźt que l’interprĂ©tation qu’E. LĂ©vinas propose du dĂ©bat » talmudique manque de consistance. Car un dĂ©bat doit reposer sur un vĂ©ritable clivage. Or, pour notre philosophe, la lecture de celui qui dit visage » consiste Ă  dire que l’homme et la femme sont parfaitement Ă©gaux car ils furent d’emblĂ©e créés comme tels, l’un derriĂšre l’autre. Mais si l’on s’en tient Ă  cette thĂšse, on ne peut pas dire qu’il y ait rĂ©ellement dĂ©bat » avec l’autre partie, celle qui dit queue », car alors les deux Sages ne se situent pas sur le mĂȘme plan l’un – celui qui dit visage » – parlerait de l’égalitĂ© de valeur entre l’homme et la femme, tandis que l’autre – celui qui dit queue » – d’accord sur ce point, parlerait de la distinction du masculin et du fĂ©minin comme d’une distinction secondaire dans l’ordre de l’humain. Finalement, on aurait plutĂŽt lĂ  l’approfondissement d’une thĂšse unique, en deux temps, qui Ă©tablit d’un cĂŽtĂ© la notion d’égalitĂ© fondamentale, de l’autre l’aspect inessentiel de la dĂ©pendance. Il n’y a lĂ  aucune contradiction entre les deux temps. Dans la logique mĂȘme de LĂ©vinas, pour qu’il y ait vraiment dĂ©bat », il aurait fallu que celui qui pense visage » soutienne en outre, Ă  l’inverse de l’autre, que la distinction du masculin et du fĂ©minin n’a rien de secondaire ni de trivial, mais fait sens chez l’ĂȘtre humain, c’est-Ă -dire que la tension de la dualitĂ© sexuelle constitue un enjeu central de la condition humaine. Mais, comme on l’a dit, E. LĂ©vinas n’emprunte pas cette voie possible. Pourquoi ? Aurait-ce Ă©tĂ© trop osĂ© d’accorder une centralitĂ© Ă  la dimension sexuelle ? Ou encore, plus subtilement, est-ce la difficultĂ© Ă  considĂ©rer une forme de dĂ©pendance non substantielle qui fait reculer devant le schĂ©ma d’une secondaritĂ© de la femme ? 6. Sur un plan esthĂ©tique, une objection fondamentale concerne le manque d’attention portĂ©e par Emmanuel LĂ©vinas aux termes employĂ©s par Rav et Shmouel le visage » ou la 31 GenĂšse 1, 27. queue ». Or ces termes sont prĂ©cis, signifiants et Ă©vocateurs. Lorsque l’on parle de visage », on se situe Ă  un niveau de signification Ă  mettre directement en rapport, comme le fait la guemara Ketouvot, avec le mariage. Du cĂŽtĂ© de la queue », la problĂ©matique est bien diffĂ©rente on doit au minimum prendre en compte l’aspect choquant et provocateur de la proposition, sans rĂ©duire l’image Ă  une une articulation mineure de l’humain », ce qui est certes bien-pensant mais apparaĂźt comme le refoulement de ce qui fait pourtant le sujet mĂȘme du motif. 7. Un passage du TraitĂ© Ketouvot 8a – nous l’avons dĂ©jĂ  mentionnĂ© – reprend de maniĂšre indirecte ce dĂ©bat entre Rav et Shmouel. Il paraĂźt indispensable de complĂ©ter l’analyse de notre passage par cette autre discussion, qui traite des bĂ©nĂ©dictions du mariage et se conclut sur l’idĂ©e que la version retenue par la Guemara est celle du visage ». Ce choix, dans ce contexte, doit nous fournir une indication sur le sens de cette version. D’autre part, d’aprĂšs cet autre passage de la Guemara, il faut comprendre que mĂȘme pour celui qui dit visage », le verset de GenĂšse 1, 27, mĂąle et femelle Il les crĂ©a », doit ĂȘtre compris comme faisant rĂ©fĂ©rence Ă  une pensĂ©e premiĂšre du CrĂ©ateur », qui rĂ©alisa par la suite l’homme sous une forme unique, androgyne, oĂč homme et femme Ă©taient collĂ©s dos Ă  dos. L’intention de les crĂ©er Deux n’a donc pas Ă©tĂ© immĂ©diatement rĂ©alisĂ©e32. Il faudrait donc en outre analyser ce que signifie ce dĂ©placement pour celui qui dit visage ». Nous rappelons que cette idĂ©e Ă©tait intervenue dans la guemara Berakhot Ă  propos de l’enseignement de celui qui disait queue ». Sans doute l’opposition du Un et du Deux ne doit-elle pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e de la mĂȘme façon pour Rav et pour Shmouel. Par ailleurs, si l’on suit de prĂšs le texte biblique lui-mĂȘme et son commentaire par Rachi, on constate que l’option du visage » est beaucoup plus mise en exergue ; mĂȘme si l’option queue » est possible, elle apparaĂźt plus Ă©loignĂ©e du sens contextuel. Et mĂȘme lorsque la difficultĂ© du verset exige un sens plus paradigmatique », dit midrachique », c’est-Ă -dire plus Ă©loignĂ© du contexte, Rachi Ă©voque les deux visages », mais pas la queue » – en rĂ©alitĂ©, il laisse ouverte cette seconde possibilitĂ© de lecture, mais sans la rendre explicite, car justement aucune allusion n’y est faite dans les termes des versets bibliques. Nous indiquons ces Ă©lĂ©ments pour montrer comment, selon les rĂšgles de la pensĂ©e talmudique, l’étude d’un sujet se construit, par confrontation de passages talmudiques et en contrepoint du texte biblique. Ignorer ce mode d’approche risque de faire perdre de vue la pensĂ©e des Sages. 8. Enfin, Emmanuel LĂ©vinas, dans sa lecture talmudique, n’insiste que sur les idĂ©es philosophiques » contenues dans les deux options visage » ou queue ». La dimension d’injonction pratique est absente de son analyse. D’abord, cela limite la comprĂ©hension possible du dĂ©bat ». Mais en outre, ne pas apprĂ©hender le texte biblique sous sa forme de prescription et d’exigence pratique pose une difficultĂ© majeure. S’il y a une pensĂ©e talmudique, celle-ci est tournĂ©e vers l’action, la concrĂ©tisation. Laisser penser que la controverse n’est que philosophique serait trompeur. Par exemple, lorsque E. LĂ©vinas Ă©tablit que l’idĂ©e qu'hommes et femmes sont Ă©gaux est l'un des enjeux fondamentaux de ces textes, il ne montre pas en quoi cela est pensĂ© comme un enjeu pratique. Certes, il veut prouver que le texte biblique, et donc le CrĂ©ateur, puis les rabbins et la tradition juive ne sont pas misogynes – ce qui aurait pu ne pas ĂȘtre Ă©vident Ă  la lecture naĂŻve des versets. Mais rectifier une mauvaise lecture possible, ou la prĂ©venir, ne saurait suffire Ă  rendre compte du dĂ©bat » 32 C’est la maniĂšre dont Rachi lira le passage. Les Tossefot commentateurs mĂ©diĂ©vaux du Talmud, figurant comme Rachi dans les Ă©ditions courantes, au contraire, proposeront une lecture oĂč celui qui dit visage » n’a pas besoin d’introduire la distinction en question pensĂ©e premiĂšre du CrĂ©ateur » d’un cĂŽtĂ©, action concrĂšte » de l’autre. talmudique. 4. Proposition de re-lecture Nous proposerons donc une autre lecture de la controverse, qui puisse intĂ©grer ces donnĂ©es. Commençons par reprendre les termes employĂ©s deux visages » d’un cĂŽtĂ©, la queue », de l’autre. Dire que la femme a Ă©tĂ© créée Ă  partir de la queue » de l’homme, voilĂ  qui est pour le moins osĂ©, choquant mĂȘme. C’est de lĂ  que nous devons partir. Que peut signifier la queue » ? Trois choses au moins. PremiĂšrement, cela indique que la femme est un ĂȘtre dont l’essence dĂ©pend entiĂšrement de l’essence de l’homme. Au dĂ©part, elle ne semble justement pas avoir de visage indĂ©pendant, c’est-Ă -dire d’identitĂ© propre. Tout son ĂȘtre va ĂȘtre tirĂ© de l’homme et bĂąti »33, dit le verset biblique, par rapport Ă  lui. En ce sens dĂ©jĂ , la distinction homme-femme est plus radicale que la distinction secondaire envisagĂ©e par E. LĂ©vinas. DeuxiĂšmement, la queue » est cette partie du corps animal qui prĂ©cisĂ©ment manque » chez l’homme. Par consĂ©quent, la femme serait ainsi construite Ă  partir de la transformation de la part animale de l’homme. En un sens, c’est donc la femme qui permet Ă  l’homme d’accĂ©der Ă  son humanitĂ© vĂ©ritable, de sortir de l’animalitĂ©, et ce, au niveau du corps. Mais en mĂȘme temps, on peut dire qu’en tant que la femme est comme la trace de la part animale de l’homme, le risque est toujours prĂ©sent d’une relation encore animale », justement – en laissant pour le moment cette notion encore indĂ©finie. Si l’on nomme maintenant animalitĂ© » l’état de l’ĂȘtre dans sa complĂ©tude inconsciente, ou dans sa pesanteur inconsciente, l’ĂȘtre-lĂ  de l’ĂȘtre, nous pourrions dire que le rapport de l’homme Ă  la femme peut ĂȘtre envisagĂ© Ă  la fois comme reste de cette part inconsciente de dĂ©sir en tant que pulsion narcissique, ou fantasme de l’Un, mais aussi comme dĂ©passement de cette part du dĂ©sir, en tant que relation duelle, au-delĂ  du moi-Un, car la femme aura Ă©tĂ© ce qui a justement rendu possible l’accĂšs de l’homme Ă  l’humanitĂ©, en lui supprimant la queue », c'est-Ă -dire la complĂ©tude animale. TroisiĂšmement, Ă  un niveau plus mĂ©taphorique, la queue » ressemble Ă  l’organe sexuel, mais sous une forme sinueuse. Le serpent en est l’image animĂ©e. C’est-Ă -dire que la droiture, qui est comme la trace de l’absolu dans le dĂ©sir car elle est la forme minimale du non-naturel – en effet, le trait droit, inexistant dans la nature, peut donc reprĂ©senter a minima ce qui distingue l’humain au sein du monde naturel, en a Ă©tĂ© affaiblie et qu’elle ressurgit sous la forme de l’identification au mouvant, Ă  l’ĂȘtre et, par suite, Ă  l’image de la toute puissance chaotique, de la transgression et, finalement, de la mort. DĂšs lors, on comprend que l’enjeu du rapport Ă  la femme est similaire Ă  celui du rapport Ă  la jouissance, ou connaissance », et Ă  l’expĂ©rience de la faute. Ainsi, celui qui dit queue » considĂšrera que la relation hommefemme, loin d’ĂȘtre seulement un moyen pour faciliter les relations humaines dĂ©sexualisĂ©es, constitue un enjeu central de l’humanitĂ© de l’homme, en tant qu’elle exige qu’à travers sa femme, l’homme se confronte Ă  sa propre part d’ animalitĂ© », c’est-Ă -dire de narcissisme, ou de dĂ©sir au sens large, pour la convertir en ce que nous appellerons ici la conjugalitĂ©34. C’est cette exigence de conjugalitĂ© qui est lisible dans le verset de GenĂšse 1, 27 – À l’image de Dieu Il le crĂ©a. MĂąle et femelle Il les crĂ©a. » – ainsi que dans la complexitĂ© textuelle du 34 Nous reprenons ici le terme proposĂ© par Éric SmilĂ©vitch dans un texte non publiĂ©, intitulĂ© Une chair une. chapitre 2, qui dĂ©bute par Le Dieu Souverain dit il n’est pas bon que l’homme soit seul »35 et se termine au verset 24 par C’est pourquoi l’homme abandonnera son pĂšre et sa mĂšre, il s’attachera Ă  sa femme, ils seront une chair une. » Cette exigence est explicitement dĂ©finie dans un autre passage du Talmud, TraitĂ© Yevamot 62b, oĂč l’on apprend qu’un homme a l’obligation de vivre avec une femme », en dehors de toute autre nĂ©cessitĂ©, par exemple celle d'avoir des enfants. Cela signifie que la spĂ©cificitĂ© de la relation homme-femme accomplie, en tant qu’humaine, n’a rien de commun avec les relations humaines entre hommes, ou entre femmes. C’est la confrontation d’un homme avec une femme et, Ă  cette occasion, le travail de mise Ă  l’épreuve de son dĂ©sir qui doivent lui faire accomplir sa propre humanitĂ©. L’enjeu est donc prĂ©cisĂ©ment de hisser la relation homme-femme en tant que telle au-delĂ  de la simple relation d’objet ou de satisfaction du manque Ă  ĂȘtre », dans une confrontation qui s’appellera Adam, humanitĂ©, Ă  l’image de Dieu. Pour celui qui pense queue », le problĂšme de l’intention premiĂšre du CrĂ©ateur de les crĂ©er immĂ©diatement Deux mais de l’avoir fait d’abord Un peut ĂȘtre compris d’aprĂšs le principe selon lequel sof maassĂ© be ma’hchava tĂ©khila »36 – la fin de l’acte est prĂ©sente dans l’intention ». Ainsi, le projet primordial de les crĂ©er Deux est en rĂ©alitĂ© le but Ă  rechercher. L’homme pourrait avoir tendance Ă  rester figĂ© Ă  l’intĂ©rieur de son propre dĂ©sir, de sa propre satisfaction. C’est aussi cela que l’on appelle animalitĂ© » ou narcissisme. Le but est que l'homme accĂšde, grĂące Ă  une femme, au Deux, Ă  une vie qui intĂšgre l’au-delĂ  de son propre dĂ©sir, mais Ă  partir de la problĂ©matique de son dĂ©sir sexuel, sans qu’il soit confrontĂ© Ă  un principe de rivalitĂ©. LĂ  est peut-ĂȘtre le point central le rapport homme-femme serait donc le rapport humain par excellence, nĂ©cessairement sexuĂ©, dĂ©gagĂ©, d’un cĂŽtĂ©, du narcissisme et du fantasme de l’unitĂ© animale de l’ĂȘtre, et de l'autre, de la nĂ©gation comme de la rĂ©pĂ©tition de soi, Ă  travers un autre homme. Ainsi, la rencontre avec un semblable ne pourrait logiquement intervenir que dans un second temps, une fois Ă©laborĂ©e la relation de l’homme Ă  sa propre humanitĂ©, sous la forme de l’ĂȘtre sexuellement diffĂ©rent. Car pour reconnaĂźtre en son semblable un ĂȘtre qui ne soit pas un rival, il faudrait auparavant pouvoir s’ĂȘtre constituĂ© comme sujet, comme Adam, c’est-Ă -dire assumer le Deux du rapport homme-femme, ou la distinction sexuĂ©e comme fond essentiel de l’humain. Dans ce contexte l’enjeu, on le voit, n’est pas d’établir une Ă©galitĂ© entre l’homme et la femme, mais une relation qui soit fondatrice de l’identitĂ© humaine en tant que telle. Quel est donc le dĂ©bat avec celui qui dit deux visages » ? Pour lui, l’enjeu de la crĂ©ation de la femme n’est pas de sortir du fantasme de l’Un. L’humanitĂ©, pour lui, est d’emblĂ©e pensĂ©e comme double et duelle deux visages, deux modes d’ĂȘtre. L’exigence n’est pas la constitution de soi dans le Deux au-delĂ  du Un, mais la constitution de l’humanitĂ© comme telle Ă  travers la conjonction, le face Ă  face et la prĂ©sentation des deux visages, c’est-Ă -dire des deux maniĂšres d’ĂȘtre humain. L’enjeu, ici, n’est pas le passage de l’animal » Ă  l’humain mais, au sein de l’humain, le positionnement diffĂ©rentiel des visages l’un face Ă  l’autre, l’heureuse conjonction des deux faces. La femme incarne ici une dimension singuliĂšre qui n’est pas simplement la limite de la fonction narcissique du dĂ©sir humain, mais un visage en soi. DĂšs lors, la conjugalitĂ© a aussi pour enjeu l’unification des faces, non pas au sens oĂč elles se fondraient en Un ĂȘtre impossible, mais au sens de leur positionnement face Ă  face, c’est-Ă -dire dans la possibilitĂ© de leur regard mutuel assumĂ©. L’unitĂ© effective qui rĂ©sulterait de l’effort de conjonction de l’homme et de la femme serait en un sens accompli de façon extĂ©rieure Ă  eux dans l’enfant, 35 GenĂšse 2, 18. 36 Extrait du poĂšme Lekha dodi » chantĂ© le vendredi soir pour accueillir le Chabbat. qui rĂ©alise l’unitĂ© des deux37, unitĂ© rĂ©elle, au sens oĂč justement elle advient comme un Ă©vĂ©nement qui les dĂ©passe tous deux, qui leur arrive. L’unitĂ© du Deux est alors bien le sens vĂ©ritable de ce Deux, mais accompli comme au-delĂ , comme rĂ©el, c’est-Ă -dire comme advenant de l’extĂ©rieur et Ă©chappant au fantasme, comme si la vĂ©ritĂ© Une du Deux n’était ici vĂ©cue que comme Ă©vĂ©nement. Aussi, pour celui qui dit deux visages», la pensĂ©e premiĂšre du CrĂ©ateur » de faire deux ĂȘtres sĂ©parĂ©s puis la rĂ©alisation effective » de les avoir d’abord faits dans un ĂȘtre Ă  deux visages, androgyne, l’homme et la femme collĂ©s dos Ă  dos, signifie donc autre chose que pour celui qui entend queue ». L’enjeu n’est pas simplement le passage logique du moi au Deux, du dĂ©sir Ă  la conjugalitĂ©, mais, peut-ĂȘtre, de donner Ă  l’exigence de conjugalitĂ© une chair, une vie celle de l’exercice du dĂ©sir. Au sein de la conjugalitĂ©, la problĂ©matique sexuelle n’est plus d’ordre narcissique, elle ne constitue plus la dimension fantasmatique de l’ĂȘtre comme pour celui qui dit queue », mais la dimension d’effectivitĂ© et de concrĂ©tisation du lien entre les deux ĂȘtres. 5. Conclusion Finalement, la thĂšse lĂ©vinassienne concernant la fonction inessentielle de la diffĂ©rence sexuelle s’est rĂ©vĂ©lĂ©e ĂȘtre pour nous un prĂ©supposĂ© erronĂ© du philosophe. Car cette vision, quelle que soit la version envisagĂ©e par la Guemara, visage » ou queue », n’est lisible ni dans le texte biblique, ni dans le texte talmudique. Ce prĂ©supposĂ© apparaĂźt comme un reste d’idĂ©ologie puritaine, qui voit dans la sexualitĂ© une figure nĂ©cessaire de l’égoĂŻsme trivial et charnel, donc, au fond, de la faute ». LĂ  rĂ©side une part du malentendu relatif aux lectures talmudiques », Ă  la diffĂ©rence de l’étude talmudique. Certes, ces lectures » sont soucieuses de dĂ©gager la dimension proprement thĂ©orique de la tradition juive, avec respect et considĂ©ration, mais sans adopter les principes de l’étude juive. Ces principes requiĂšrent un investissement complet de la personne et un abandon des approches partielles et contingentes, par pur goĂ»t intellectuel ou par besoin obscur de se ressourcer dans une tradition trĂšs sensĂ©e ». Ils exigent que l’on reconnaisse la complexe et profonde radicalitĂ© de pensĂ©e des Sages et que l’on assume de s’en faire le rĂ©ceptacle zĂ©lĂ©. Ainsi apprend-on, Ă  leur Ă©cole, Ă  penser soi-mĂȘme et se libĂšre-t-on des prĂ©jugĂ©s trompeurs, des discours bien-pensants et du confort vain des positions Ă©tablies, pour s’attacher Ă  ce que l’on appelle le joug de l’Étude » et tenter d’apporter sa contribution, sa part », au monde de la Torah d’IsraĂ«l. 37 Rappelons que sur le verset de GenĂšse 2, 24, ils seront une chair une », Rachi commente Chair une c’est l’enfant, formĂ© par les deux, et par lĂ  ils sont faits une chair une. »
EUwLS6.
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